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— la vie assurée aux colonies, — le débouché colonial pratiquement ouvert à l’industrie nationale, tout cela au seul détriment des marchés étrangers vis-à-vis desquels nos produits se trouveront, selon l’expression sportive, « handicapés, » dans des proportions qui leur permettront de regagner l’avance prise par nos compétiteurs dans la grande course économique.

Cette réforme, qui vient à son heure, ne trouve donc pas devant elle d’adversaires de parti pris et M. Méline ne la combat pas dans son principe ; il reconnaît même, — et sa grande compétence pratique dans les questions de cet ordre le garantissait à l’avance, — qu’un régime économique bien constitué ne doit pas se réduire à des mesures d’ensemble et qu’il importe de le compléter par des dispositions de détail, inspirées des conditions locales.

Tout le monde se trouve donc d’accord sur cette question des espèces. Malheureusement, ces bonnes dispositions du parti protectionniste sont viciées par une arrière-pensée de méfiance : si M. Méline et ses amis voient clair comme le jour qu’il y a un avantage immédiat à encourager les colonies dans la culture des denrées que ne produit pas le sol de la France continentale, cette riante perspective est troublée aussitôt par un spectacle qui fait frémir leur imagination impressionnable : quand ces colonies auront pris des forces, grâce aux bienfaits que leur prodigue la mère patrie, n’auront-elles point l’âme assez dénaturée pour mordre le sein qui les a nourries ? Auront-elles l’ingratitude de faire concurrence à la maison mère dans les produits de sa spécialité ?

Tant qu’il ne s’agit que de thé, de café, de riz et autres denrées exotiques, la plus franche cordialité ne cesse de régner ; mais, s’il allait être question de tissus, de blé, de vin, de charbons, — et qui sait ? peut-être un jour de métallurgie, de papeterie, voire même de modes, ou d’articles de Paris, — quelle angoisse pour les Vosges et pour la rue de la Paix !

Ainsi se présente l’âpre débat sur la production similaire, contre laquelle on demande des mesures prohibitives, tout en montrant les dispositions les plus libérales à la production complémentaire, c’est-à-dire aux produits que la métropole est incapable de fournir et dont l’introduction a pour effet de compléter son approvisionnement indispensable.

Dans un retentissant discours prononcé à la Société nationale d’économie politique, M. Méline disait en 1898 : « Je suis d’avis