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le riz est assurément celle qui offre, sous le plus petit volume et au moindre prix, même transporté chez nous, l’aliment le plus substantiel et le plus sain. De quoi vit la majeure partie de l’humanité ? De riz, — et cela coupe court à la plaisante légende, immortalisée par Alphonse Daudet dans sa mémorable page sur la guerre « Riz et Pruneaux » à la table d’hôte du Righi Kulm. Si cette céréale exotique avait réellement les vertus que lui impute Tartarin, on se demande où en seraient les habitans du Céleste-Empire et tant d’autres peuples dont elle constitue à peu près toute la nourriture. Réhabiliter le riz dans l’esprit des populations françaises et vulgariser sa consommation en l’amenant à bon marché, ce serait rendre à notre pays un service comparable à celui qui a fait la gloire de Parmentier, introduisant la culture de la pomme de terre en dépit des préjugés de l’époque[1].

Il va sans dire que c’est principalement en ce qui touche au café que la détaxe produirait des résultats considérables, — surtout si, conformément au vœu exprimé par les représentans des diverses colonies, le ministère de la Guerre se déterminait à autoriser pour la consommation des troupes l’emploi du café Liberia qui, sans avoir les agrémens de l’arabica, présente toutes les qualités désirables au point de vue de la qualité du breuvage et se recommande par un prix infiniment plus avantageux. Or, la culture du Liberia réussit généralement mieux que celle de l’arabica dans nos nouvelles possessions. Il résulterait donc de son adoption partielle dans l’alimentation militaire un précieux encouragement pour nos colonies en même temps qu’une forte économie pour le budget de la Guerre, et, pour le troupier, cet avantage appréciable de voir remplacer par du vrai café, de bonne qualité, quoique moins aromatisé que le moka, une partie de la chicorée dont on l’abreuve, — et qui n’est pas une des moindres amertumes du métier !

Quel que soit le sentiment anticolonial dans lequel on envi sage la proposition Le Myre de Vilers, on est obligé de reconnaître qu’elle présente, au point de vue de la prospérité générale, les avantages les plus sérieux : l’abaissement du prix de certaines denrées de première nécessité offertes aux consommateurs,

  1. La France est, croyons-nous, après l’Angleterre, le pays du monde où l’on mange le moins de riz. L’Allemagne en fait une très forte consommation, et l’Italie ne pourrait s’en passer.