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lieu d’une obligation en quelque sorte automatique, comme celle qui pourrait résulter du traité anglo-japonais, il ne s’agit que d’une intention, exprimée de part et d’autre, de rechercher en commun les moyens d’assurer la sauvegarde de nos droits. Quand même cela n’aurait pas été écrit d’avance, n’aurions-nous pas été amenés à le faire ? Bien que notre alliance, dans son premier état, ne nous impose aucune obligation en dehors de l’Europe, et même en dehors de certaines parties de l’Europe, il est évident que deux puissances qui vivent dans une aussi grande intimité politique que la France et la Russie ne sauraient se désintéresser nulle part de ce qui peut arriver d’heureux ou de fâcheux à l’une d’elles, et qu’elles doivent profiter de toutes les occasions de se rendre service sans se compromettre, ou sans s’exposer à un effort qui dépasserait leurs forces immédiatement disponibles. Ce n’est donc pas notre traité lui-même qui est en quelque sorte transporté en Asie avec les obligations matérielles qui en dérivent, mais seulement notre alliance avec les intérêts moraux qui s’y rattachent. Et ce n’est pas tout à fait la même chose. Puisque nous avons parlé d’engagement, nous ne sommes dès maintenant engagés que dans la mesure où nous jugerons à propos de nous engager plus tard, si les éventualités prévues dans la note viennent à se produire. Et nous sommes engagés à quoi ? A aviser en commun.

M. Denys Cochin a dit dans son discours, où il a présenté d’ailleurs des observations très judicieuses et sur lesquelles nous sommes pleinement d’accord avec lui : « Comment ! Lord Cranborne, à la Chambre des communes, avait pris soin de dire : « Cet instrument nouveau, on « ne s’en servira pas légèrement. Le Japon ne sera soutenu par l’Angleterre que si, par hasard, il était menacé par deux puissances. » Menacé, l’est-il ? Je ne le crois pas encore ; mais à ces mots : deux puissances en face du Japon, nous répondons : Nous voici ! Les deux puissances que vous avez défiées sont prêtes ; ce sont la France et la Russie. » C’est un peu dramatiser les choses. Et, puisqu’il s’agit du Japon, il nous semble, à lire attentivement la note franco-russe, que le danger particulièrement prévu par M. Denys Cochin est celui auquel nous soyons le moins exposés. Pourquoi prendrions-nous parti contre le Japon, s’il ne menace pas nos intérêts, et quels intérêts avons-nous en Corée, c’est-à-dire dans la partie du continent asiatique vers laquelle il tourne le plus volontiers les yeux ? Nous n’en avons aucun. Aussi la note franco-russe ne parle-t-elle pas de la Corée ; elle ne parle que de la Chine, et nous pensons bien que ce silence n’est pas la suite d’une omission involontaire. Dans la première partie de la