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seulement tout le monde est d’accord : c’est que le plus tôt sera le mieux.


Depuis quinze jours, il s’est passé un fait important dans notre politique extérieure. Le 19 mars dernier, les gouvernemens alliés de la France et de la Russie ont répondu par une note identique à la communication qui leur avait été faite du récent traité anglo-japonais. La note, comme le traité lui-même, se divise en deux parties : la première contient l’affirmation d’une politique commune, et la seconde, l’annonce de certains moyens que les deux puissances se réservent d’employer dans le cas où leurs intérêts viendraient à être menacés. Il y a donc une assez grande analogie, et même une espèce de symétrie, entre le traité anglo-japonais et la note franco-russe : mais il y a aussi des différences, et elles sont même assez profondes.

Toutefois, elles ne portent que sur la seconde partie des deux documens : sur la première, la ressemblance, sinon l’entente, est parfaite. Dans le préambule de leur traité, l’Angleterre et le Japon témoignent d’un vif désir qu’il ne soit porté aucune atteinte à l’indépendance de la Chine et de la Corée, qui doivent rester ouvertes au commerce et à l’industrie de toutes les nations. Les assurances si catégoriques données à ce sujet par l’Angleterre et le Japon ne devaient rencontrer, loin de là, aucune objection à Paris et à Saint-Pétersbourg. La France et la Russie tiennent autant que personne à l’indépendance de la Chine et de la Corée, et à la libre, ou du moins à l’égale ouverture de ces grands pays au commerce de tous les autres. Il semble donc qu’il n’était pas nécessaire de faire ici deux groupemens de puissances, qui, par cela même qu’ils sont distincts l’un de l’autre, ont l’air d’être opposés, et qui se proposent cependant le même but. Y a-t-il là un de ces mystères diplomatiques qui sont si difficiles à percer ? Non, il n’y a ni obscurité, ni mystère. Sous les formes les plus courtoises et les plus correctes, il y a l’indication de deux intérêts rivaux. L’Angleterre et le Japon, d’une part, la Russie et la France, de l’autre, parlent le même langage, mais ne l’entendent pas tout à fait de même. S’il en était autrement, l’accord anglo-japonais et la note franco-russe ne s’expliqueraient pas. Il serait sans doute très exagéré de dire qu’il y a eu dans le traité une menace contre la Russie : il y a eu toutefois un avertissement à son adresse, et c’est bien ainsi qu’elle l’a compris. La note franco-russe est la contre-partie du traité : elle aussi contient un avertissement, et personne ne s’y est trompé. Mais il ne faut pas en exagérer la portée, et, lorsque