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auraient voulu qu’il fût complété par le renouvellement partiel, et déclaraient que, s’il ne l’était pas, ils préféraient à tout changement le maintien de l’état de choses actuel. On a vu par là que la mauvaise manière dont elles sont exécutées peut gâter les meilleures choses. Le déchaînement contre la Chambre est devenu général. On l’accusait de n’avoir songé qu’à son intérêt, — en quoi il est bien probable qu’on avait raison, — et de s’être attribué à elle-même six ans de durée, comme si elle était sûre d’être réélue. En présence de ce déchaînement, la Chambre a eu peur. Nous avons assisté au spectacle, amusant cette fois, de députés qui passaient au bureau des procès-verbaux pour rectifier leur vote, et le remords, encouragé par les clameurs de l’opinion, s’est emparé d’un si grand nombre d’entre eux, qu’au bout de deux ou trois jours, il ne restait plus rien de la majorité ; elle s’était comme effritée. N’importe : quand le résultat d’un scrutin a été proclamé en séance publique, il est définitif, quoi qu’il arrive ensuite, de sorte que la loi, votée ou non par la Chambre, a été renvoyée telle quelle au Sénat. Mais on peut juger avec quelle autorité elle s’y est présentée. Le gouvernement lui-même a abandonné la disposition qui y avait été introduite par l’amendement de M. Pourquery de Boisserin. Il a consenti à ce qu’elle fût disjointe du reste du projet, afin d’être examinée à part quand on en aurait le temps. Cet ajournement sine die ressemble fort à un enterrement pur et simple. Aussi le chiffre augmente-t-il tous les jours des députés qui se repentent d’avoir voté les six ans. D’abord ils ne les auront pas ; ensuite leurs concurrens leur reprochent déjà, avec toute la vivacité des polémiques électorales, d’avoir voulu se soustraire, pendant un laps de temps scandaleusement long, au jugement du pays.

Nous avons dit les raisons en faveur de la durée de six ans : on leur trouvera peut-être un caractère un peu théorique. Beaucoup de ceux qui les repoussent se placent à un point de vue tout pratique. Ils ne sont pas sûrs du tout, et nous ne le sommes pas plus qu’eux, que la Chambre de demain vaille mieux que celle d’aujourd’hui. Quelque mauvaise qu’elle puisse être, ils ne croient pas qu’on ait le courage de la dissoudre. Et alors, la perspective de la subir durant six années leur inspire préventivement un effroi naturel. Que deviendrions-nous, disent-ils, si la Chambre actuelle devait durer encore deux ans ? Et nous comprenons que cette perspective ait quelque chose qui les exaspère. On cherche moins, en ce moment, la meilleure organisation des pouvoirs publics que le moyen de se débarrasser le plus tôt possible d’un système de gouvernement qui inquiète tous les