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dans son œuvre. Le peuple de Home était alors familier avec les choses religieuses ; il l’est encore. Voyez-le dans les églises, à Sainte-Marie-Majeure, par exemple, le matin de Noël : hommes et femmes se promènent, s’assoient sur les marches des autels, crachent par terre, causent avec un sans-gêne qui nous surprend et quelquefois nous irrite. Nous avons tort. C’est la maison de Dieu : pourquoi ses en fan s’ne s’y mettraient-ils pas à l’aise ? S’ils s’y trouvent chez eux, on doit les en louer. Il y a bien un peu de froideur et d’éloignement dans notre respect, à nous. Les époques et les nations religieuses méconnaissent pas cette réserve ; elles ne s’interdisent pas les jeux d’esprit, ni même les jeux de mots, sur les « mystères terribles » dont s’effrayait Boileau. Le conservateur Aristophane raillait sans vergogne les dieux de l’Olympe. Le moyen Age a exercé une gaité fort libre sur les sujets les plus chers à sa foi. Ainsi les Romains ; et, si Belli exagère parfois ou dirige trop volontiers vers des sarcasmes de provenance voltairienne leurs étonnemens, leurs méditations et leurs jugemens, il n’en est pas moins vrai que ce penchant raisonneur qu’il vicie leur est naturel, et les entraîne spontanément à des plaisanteries peu délicates, mais tout à fait saines d’intention. Quand un des personnages de Belli crie à l’hérésie parce qu’il a cru comprendre, au sermon d’un prédicateur en vogue, que la Vierge Marie n’était pas dévote à la Madone, on peut être sûr que le mot a été réellement entendu, et ce trait de naïveté en explique et fait admettre bien d’autres qui paraissent au premier abord moins innocens et moins vrais.

Les remarques des Romains ne sont pas moins imprévues, — et le comique en est moins suspect. — lorsqu’elles ont pour objet l’histoire profane, et en particulier les monumens qui l’évoquent aux yeux des passans. On illustrerait agréablement un guide de Home avec quelques-uns des sonnets de Belli où il a recueilli les propos des hommes du peuple en présence des ruines ou des œuvres d’art célèbres, les bévues de leur admiration, les explications qu’ils donnent, les légendes qu’ils rappellent, les contes qu’ils inventent. En quatre sonnets, sor Grigorio promène son ami Ghitano sur le Forum, alors encore le Campo Vaccino, le marché aux vaches, et lui fait voir les antiquités du lieu. Il le mène ensuite au Capitole, en lui montrant la Hoche Tarpéienne, « d’où Cléopâtre précipita son mari, » et l’arrête devant la statue équestre de Marc-Aurèle. Il la croit d’or,