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semaine ? — Eh ! à peine deux. — Et l’autre ? — Rien du tout. — Et celle d’avant ? — Un seul, maudite soit son âme ! — Change de paroisse. — C’est du temps perdu. — Mais le curé, qu’est-ce qu’il dit, maître Zanti ? — Il dit ce que je dis : les temps sont mauvais. » Le marchand de parapluies s’irrite contre le soleil, le valet de place contre l’infatigable curiosité des Anglais, le cocher de fiacre contre la ladrerie de ses « bourgeois. » Les marchands ambulans poussent leurs cris : Auffà li meloni ! pour rien, les melons ! — Nocchie msicarelle ! noisettes grillées ! — Le juif crasseux qui sort du ghetto pour acheter les vieilles défroques glapit aéo ! ou robbi-vecchi ! Le carnacciaro se promène, portant sur son épaule, aux deux bouts d’un bâton, des lambeaux de mauvaise viande pour les chats, et il imite leur miaulement : guao ! Piazza Montanara, auprès des grands murs sombres qui restent du théâtre de Marcellus, derrière le rempart des carrioles dételées, des fruits étalés, des paysans qui vendent et du petit peuple qui achète, siègent dans les coins, à l’ombre, les écrivains publics, faces rases de magisters, le nez, armé de grosses besicles, les doctes mains cachées de manchettes prétentieuses. Ils vantent leur art et la magnificence de leur papier, dont les feuilles couvrent la table, enluminées de cœurs transpercés, sanglans et enflammés : les cliens n’ont pas à attendre ; des lettres de tout genre sont prêtes ; il n’y a qu’à remplir les blancs avec le nom ou le litre du destinataire…

Toutes les professions font entendre leur voix. Menuisier, sage-femme, vendeur de poupées, cuisinier, tailleur, forgeron, relieur, médecin, ferblantier, chacun a ses mots techniques, ses préoccupations, sa vanité, ses plaisanteries, ses malices. « S’ils sont frais ? » répond le poissonnier à la cuisinière. « Faites bien attention, quand vous les mettrez à la poêle, qu’ils ne sautent pas dehors ! » Le matelassier révèle sa ruse à un camarade : « D’abord, deux exemples, et puis je m’explique. Qu’est-ce que le peintre emploie pour les chambres ? Des couleurs sans colle, et le maçon ? Du mortier sans chaux… Eh bien ! moi, qui suis matelassier, je me tire d’affaire avec les punaises. A chaque lit, au moins, j’en flanque deux. Au bout d’un mois, il faut refaire les matelas. » Le fabricant de boîtes a la malhonnêteté plus cynique et plus compliquée. Il flatte le client, il admire son bon goût, il le félicite de son choix : « Eh ! le signore, on voit qu’il a voyagé ! Il a choisi une belle grande tabatière. Racine du