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des Chambres de commerce, dont il a déjà été dit un mot, l’institution d’un Zollverein anglo-colonial a été examinée avec faveur et, en conclusion, on a émis le vœu qu’une commission royale fût chargée d’élaborer un projet.

Les délégués australiens se sont montrés particulièrement favorables à cette conception, mais sous réserve que les États-Unis, avec lesquels leurs échanges sont considérables, seraient admis dans l’union douanière. (Cela ne ferait peut-être pas l’affaire des manufacturiers coloniaux, mais on ne peut contenter tout le monde et sa mère patrie.) L’an dernier, une conférence protectionniste internationale s’est réunie à Sydney, proclamant la nécessité de décréter les mesures d’exclusion les plus draconiennes contre tous les produits étrangers et réclamant en faveur des industries locales quelques-unes de ces primes qui, jusqu’à présent, avaient le don de soulever les protestations les plus véhémentes des théoriciens du libre-échange. Et, plus récemment, la Chambre des communes a consacré une séance à la discussion d’une proposition de sir Evelyn Cecil tendant à soutenir par des primes la navigation sur la côte occidentale d’Afrique, où le pavillon britannique n’est plus en état de lutter avec celui de la Compagnie allemande de navigation[1].

On voit avec quelle dextérité la grande nation commerçante sait infléchir les principes dans le sens des opportunités ; c’est sous cette forme que la doctrine libérale a fait la fortune de ses inventeurs et l’on peut dire du libre-échange, comme on l’a dit du journalisme, qu’il mène à tout à condition d’en sortir.

Le fait est que les conditions économiques se sont modifiées de fond en comble depuis les beaux jours de Richard Cobden, dont les compatriotes ont eu longtemps une avance marquée sur tous leurs rivaux, grâce au tonnage de leur flotte marchande, au nombre de leurs colons, à la puissance de leurs grandes compagnies et à tout un ensemble de circonstances qui, en leur assurant la suprématie, leur permettait d’accorder sans péril aux nations étrangères une liberté commerciale dont la réciprocité comportait de sérieux bénéfices. « Ce n’est donc pas grâce au libre-échange, mais en dépit du libre-échange, dit encore M. Guy, que les rapports commerciaux entre la Grande-Bretagne et ses colonies ont été si étroits et si rémunérateurs de part et d’autre. »

  1. On sait que le parlement des États-Unis se prépare à voter une loi qui accorde à la marine américaine des primes sur la navigation d’un chiffre fort élevé.