Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’impérialisme, un vaste plan de solidarité économique, qui, par une minutieuse combinaison de mesures douanières, déterminées sur chaque point selon les nécessités locales, protégera la collectivité contre l’ennemi commun, c’est-à-dire contre l’article étranger offert à meilleur compte que le produit national.

À aucune époque, le commerce britannique n’a complètement abandonné les pratiques de la protection et il a fait bon marché de la doctrine partout où le suggérait le bien du business. C’est que, comme l’avouait un disciple avisé de Cobden, avec une franchise qu’il serait peut-être injuste de prendre pour du cynisme, « il en est du libre-échange comme de ces objets manufacturés en Angleterre pour être envoyés à l’étranger, mais non pour être consommés sur place. »

Ce protectionnisme pratique, qui vient à propos soutenir les défaillances d’une liberté poussée à l’excès, se manifeste sous les formes les plus variées, depuis les dispositions législatives ouvertement promulguées jusqu’aux expédiens administratifs les plus mesquins : un agriculteur du Nord de la France, dont le témoignage ne saurait être mis en doute, m’a raconté à ce propos une anecdote significative. L’un des plus grands seigneurs du Royaume-Uni, le félicitant sur la beauté d’animaux reproducteurs exposés à un concours agricole, l’avait vivement encouragé à les envoyer à une exposition de bétail en Angleterre.

— Je le ferais bien volontiers, my lord (je crois même qu’il fut dit monseigneur !), mais c’est impossible.

— Et pourquoi donc ?

— Parce qu’on ne les laisserait pas débarquer vivans.

— Vous savez cependant bien que le bétail entre librement chez nous ?

— Oui, théoriquement ; mais pratiquement, non : chaque fois que j’ai expédié des animaux reproducteurs, onn les a retenus au port, sous le prétexte d’une épizootie, dont cette manifestation douanière était d’ailleurs le seul symptôme apparent.

C’est ainsi que, dans un État bien gouverné, la vigilance de l’exécutif supplée à l’imprévoyance du législatif.

Si nous rentrons dans le domaine colonial et que nous jetions les yeux sur un des Blue-books où figurent les Colonial import duties, nous constatons aisément que les droits d’entrée dans les colonies anglaises n’ont rien à envier à nos tarifs : nos soies