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par la détaxe, devraient et pourraient aisément d’ici peu nous les fournir.

On voit, sans aller plus loin, que toute la question repose sur cette colonne de millions. Il saute aux yeux que l’effort de notre législation coloniale doit tendre exclusivement à la dérivation de ce prodigieux courant de richesses, qui sera tout naturellement amené, en présence des digues élevées devant lui, à faire son lit sur notre territoire colonial, pour peu qu’on se donne le peine de l’y creuser méthodiquement et patiemment.

À mesure que nos colons encaisseront les millions que représente le prix de ces denrées, leur faculté d’achat s’exercera nécessairement en faveur de nos produits, selon le principe « qui vend achète, » singulièrement favorisé dans l’espèce par les avantages constitués à notre commerce métropolitain vis-à-vis de cette clientèle de famille, qui nous devra sa prospérité, si nous savons en user raisonnablement avec elle durant les années difficiles de son adolescence économique.

Voilà comment il faut entendre notre nouveau pacte colonial, qui se distinguera de l’ancien par bien des points, notamment par ce mérite, primordial pour un pacte,… d’être un pacte, c’est-à-dire un contrat librement consenti de part et d’autre. Ce que l’on a jusqu’ici désigné sous l’euphémisme de cette appellation étant au contraire une charte léonine, — le pacte du loup et de l’agneau, ou tout au moins celui du boucher et du mouton, — un acte d’exploitation sans contre-partie et qui attribuait d’un côté tout le profit, de l’autre tout le détriment.

L’esclavage de l’indigène sous le fouet du planteur était moins rigoureux que celui de la colonie sous le fléau de la balance métropolitaine. Après avoir, avec tant de fracas et au prix de si terribles difficultés, aboli la servitude coloniale dans sa pratique traditionnelle, on ne saurait décemment songer à la rétablir sous une espèce insolite et contre nature.

Ce serait se méprendre étrangement sur le caractère de M. Méline et de ses amis que de leur attribuer le noir dessein de nous forger des chaînes, quand ils nous offrent des liens protecteurs. S’il y reste quelques épines, essayons de les adoucir, au nom de cette grande vérité, enfin reconnue de toutes les écoles, que le bien des colonies est un bien pour la mère patrie et que chacun est intéressé à faire disparaître les dernières velléités