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gardèrent point cette même réserve ; et Genlis, quelque temps après, fut destitué de son emploi et rappelé à Paris, où il resta près d’un an en disgrâce. « Je sais l’exil de Genlis, écrit le comte de Bussy-Rabutin ; et j’y prends la même part que je crois qu’il a prise au mien ; c’est-à-dire que j’en suis bien aise[1] ! »

Luxembourg, le lendemain, envoya vers le Roi, pour lui rendre compte de l’affaire, son aide de camp le marquis de Feuquières. Il revint ensuite à Utrecht, où il trouva les habitans « terrifiés » des récits qui circulaient déjà sur le triomphe des troupes françaises et la défaite du prince d’Orange. Il fallut, en effet, au nouveau stathouder toute sa dextérité et toute son énergie pour atténuer l’effet d’un si fâcheux début, ranimer la confiance ébranlée de son peuple. Son retour à La Haye fut accueilli, dit-on, avec « la plus extrême froideur. » L’entreprise de Wurden avait été conduite, murmurait-on sur son passage, « contre le sentiment des plus expérimentés au fait de la guerre[2] ; » et l’on critiquait amèrement certaines grosses erreurs de tactique, telles que l’oubli de s’emparer du bourg de Harmelen, de détruire le pont de Camerick, l’imprudence de laisser l’une des avenues de ses quartiers sans défense contre l’agression d’un entreprenant adversaire. La persévérance de Guillaume vint à bout rapidement de cette opposition timide, et nous allons le voir, quelques semaines après, à la tête d’une armée refaite et plus nombreuse, fort de l’appui d’alliés dont ses excitations ont secoué la mollesse, sur un terrain plus vaste et mieux choisi, recommencer la lutte avec une ardeur redoublée.


PIERRE DE SEGUR.

  1. Lettre à madame de la Roche, du 22 janvier 1673. Correspondance de Bussy-Rabutin.
  2. Relations véritables des Pays-Bas.