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le lieu du combat les troupes, de seconde ligne, la lueur de l’incendie, se propageant au loin, avertit Zuylestein, jusqu’alors incertain, du point précis de l’attaque. Il s’y porta vivement, posta son infanterie dans les maisons crénelées, derrière les haies touffues, les retranchemens improvisés ; sept canons, chargés à mitraille, dirigèrent leur feu convergent sur le gros des forces françaises ; une grêle de projectiles s’abattit dans nos rangs, y traça des trouées sanglantes. « Les ennemis, écrit un témoin, à la grande lumière du feu du moulin, réglaient leur tir comme il leur plaisait, sans pouvoir être vus eux-mêmes. » Nos hommes, fatigués par leur course, trempés d’eau et de bouc, beaucoup ayant « leurs poudres et leurs mèches mouillées, et leurs mousquets par suite hors d’état de servir, » s’arrêtèrent hésitans, prêts à se replier ; et déjà paraissaient des signes de désordre. Il y eut là quelques momens terriblement critiques ; et « si le duc de Luxembourg, lit-on dans une des relations, ne fût alors survenu, il y avait grande apparence que toutes choses allaient mal tourner pour nous. » La vigilance du général en chef, son activité prodigieuse et sa fougue entraînante sauvèrent la partie compromise. Informé de ce qui se passe, il accourt ; et, dès qu’on le voit, « les plus rebutés reprennent cœur ; » il rallie ses soldats « dans l’eau, » prend la tête du mouvement, les jette, sous une mousquetade incessante, vers un hameau, « dont les maisons étaient percées et remplies de soldats, avec un fossé par devant et du monde rangé en haie d’un côté et de l’autre. » Ce fut, écrit Feuquières, présent à cette action, le plus rude combat d’infanterie que j’aie jamais vu. » — « La vigueur de cette attaque, témoigne un autre spectateur[1], passe l’imagination ; et, de bonne foi, l’on ne peut rien faire de plus beau à la guerre ! » La charge emporta tout ; l’ennemi, chassé de poste en poste, se replia derrière sa troisième ligne de défense, abandonnant ses sept pièces de canon, que Luxembourg lit aussitôt pointer contre leurs anciens possesseurs. Ce fait d’armes glorieux fut payé d’un haut prix. Les vainqueurs y laissèrent plus d’un quart de leur effectif, dont le comte de Meilly, le colonel du régiment de Normandie. Blessé dangereusement à la cuisse, et gisant à terre dans son sang, il défendait qu’on l’emportât, excitait encore ses soldats de la voix et du geste. « Il faut dire le vrai que c’est

  1. Lettre du comte de la Marck à Louvois, du 13 octobre 1672.