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vigoureux, dont il fait plus d’une fois l’éloge dans sa correspondance. Ses principaux lieutenans sont, avec Stoppa et Chamlay, le comte de la Marck, excellent homme de guerre, plein d’énergie et de ténacité ; le marquis de Genlis, intelligent et brave, par malheur insouciant, paresseux, d’une probité suspecte : « Les troupes, dit l’intendant Robert, sont persuadées qu’il n’est pas ennemi du désordre, afin d’en profiter. » Parmi les colonels, il faut citer Tallart[1], qui, par la suite, fut maréchal de France, « le plus joli garçon que je connaisse, dit de lui Luxembourg, quand il a une fois l’épée à la main, » Tallart que Saint-Simon dépeint d’une plume moins bienveillante : « C’était un homme de médiocre taille, avec des yeux un peu jaloux, mais qui représentait l’ambition, l’envie et l’avarice ; beaucoup d’esprit et de grâce dans l’esprit, mais sans cesse battu du diable par son ambition, ses vues, ses menées, ses détours… Qui que ce soit ne se fiait à lui, et tout le monde se plaisait à sa compagnie. »

Il convient de joindre à ces noms celui d’Ezéchiel de Mélac[2], aventurier d’une audace intrépide, merveilleux pour un coup de main, toujours prêt aux plus dures et aux plus périlleuses besognes, d’ailleurs soudard cynique et débauché, ne croyant « à Dieu ni à diable, » aimant à faire parade de sa brutalité. « Sa fantaisie, assure Villars, était de paraître toujours furieux, et de coucher avec deux grands loups, pour se donner mieux l’air de férocité. » Aussi Mélac, en peu de temps, était-il devenu « l’effroi des peuples de Hollande. » Enfin gardons-nous d’oublier un humble et précieux auxiliaire, le frère Ange, capucin, chargé du service de santé, « un bon homme, écrit Luxembourg, qui est ravi d’assister ici tout le monde, et qui nous guérit toute l’armée. Il est tout seul pour les officiers ce que l’hôpital est pour les soldats. Ses Pères de Paris et les pratiques qu’il y a veulent qu’il y retourne ; mais, pour moi, je n’y consentirai jamais[3]. »

L’état-major de l’armée de Hollande s’enrichit, à la fin d’août, d’une recrue qu’on n’attendait pas, et qui rendit bientôt les plus utiles services. Aux avis, aux indications de ce nouveau venu

  1. Camille d’Hostun, duc de Tallart, né en 1652, maréchal de France en 1703, mort en 1728.
  2. Lieutenant général en 1693, mort en 1704.
  3. Lettre à Louvois, du 13 septembre.