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problème dont dépend l’existence même du vaste prolongement tropical, dans lequel on s’accorde enfin à voir un organe essentiel de notre circulation économique. Bientôt après, l’Union coloniale instituait un débat qui a occupé plusieurs de ses réunions mensuelles. Il ne pouvait malheureusement en sortir une décision efficace, mais il en a jailli beaucoup de clarté, et la conclusion qui demeure dans l’esprit de tous, c’est qu’il est urgent de sortir de l’indécision et du provisoire qui tiennent en suspens l’esprit d’entreprise le plus résolu

L’heure a sonné de fixer, et pour longtemps, le régime économique des colonies et il est indispensable de prendre un parti ou l’autre. M. Chailley-Bert, qui est cependant un des plus fervens adeptes de l’école libre-échangiste, déclare même loyalement que l’extension du système protectionniste, partiellement établi par la législation de 1892, lui semblerait préférable à une indétermination prolongée. « Les produits français, dans toutes les colonies françaises où l’on a pu, sont protégés contre les produits étrangers ; c’est une conception qui vaut ce qu’elle vaut, mais qui, une fois appliquée, doit être maintenue, » proclame le secrétaire général de l’Union coloniale.

« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée » est un proverbe qui semble avoir été formulé tout exprès pour la circonstance, et l’on doit féliciter les libre-échangistes de vouloir bien reconnaître que l’hygiène de la porte fermée est, somme toute, préférable au régime du courant d’air.

Quels apaisemens peut-on attendre des protectionnistes en retour d’un sacrifice aussi considérable ? Quels sont les abandons possibles ? Quelles sont les concessions nécessaires ? Dans quelles proportions doivent être juxtaposés les élémens complexes dont la pondération minutieuse peut seule assurer un équilibre stable ? Problème ardu et qu’il est présomptueux d’aborder quand on n’est pas un économiste de profession. On pourrait cependant trouver dans cette infériorité reconnue un certain avantage, celui de la position : un poste d’observation, placé en dehors de la zone d’influence des deux écoles, et d’où les faits apparaissent à l’examen attentif et de bonne foi sous un angle que n’amplifie aucune suggestion doctrinale. J’invoque cet argument comme une excuse en entreprenant un travail aussi délicat.