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De 1890 à 1899, les importations de la France dans nos colonies sont passées du chiffre annuel de 78 millions à celui de 179, tandis que les exportations croissaient de 130 à 167 millions[1].

Ce serait manquer de patience ou de bonne foi que d’en exiger davantage de nos colonies, dotées, depuis peu, du programme de travaux publics qui devait permettre à des hommes comme Gallieni, Doumer, Ballay et leurs précieux collaborateurs de couronner l’œuvre des conquérans, en effectuant la prise de possession par le rail, instrument d’annexion plus précis et moins onéreux que le canon. Ce sont là des frais de premier établissement assez élevés sans doute, mais ils nous libéreront avant peu des grosses dépenses militaires, qui constituent la charge la plus lourde du budget des colonies, dont elles absorbent les trois quarts : en dehors de la défense des frontières, d’une forte gendarmerie et d’une milice bien encadrée, notre œuvre de guerre sera terminée aux colonies quand les voies ferrées auront apporté aux races primitives, qui ont à peine entrevu leurs nouveaux maîtres et ne les ont pas encore compris, la loi du labeur, d’où naîtront le bien-être et la confiance. Les années qui viennent nous feront assister, il faut bien l’espérer, à ce spectacle rassérénant de la transformation graduelle d’un budget de la guerre en budget de travaux publics, s’il y a du vrai dans cet aphorisme d’une rigueur mathématique apparente : que le chemin de fer porte plus loin que l’artillerie.

Dès maintenant, il y a bien du numéraire et bien de l’effort humain en mouvement dans nos possessions récentes, où, phénomène peu commun, l’initiative privée a vu plus d’une fois le zèle administratif lui ouvrir la route, et la réponse est facile à faire aux gens d’humeur dénigrante à qui les coloniaux apparaissent, — d’un peu loin il est vrai, — comme des villégiateurs de grande banlieue, dont le temps se passerait à musarder sous les bananiers, en battant l’absinthe comme dans le bastidon

  1. Dans cet espace de temps, l’Indo-Chine voyait son commerce d’importation monter de 11 à 21 millions (les cotonnades seules de 4 à 12 millions) et son exportation de 13 à 46 millions : Madagascar, dont le commerce général ne dépassait guère 17 millions de francs en 1896 (au lendemain de la prise de Tananarive), opère en 1899 sur 35 965 000 francs, et s’élève en 1900 jusqu’à 51 millions, dans lesquels figure, pour 42 millions, son commerce avec la métropole, qui ne participait que pour un quart dans l’activité de ces échanges, il y a cinq ans (Rapport officiel du gouverneur général). On y a, vu la vente des cotonnades progresser de 6 millions dans l’espace d’une année.