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des abus qui en ont fait le plus souvent oublier ses avantages. La loi sur la liberté d'association est devenue une arme contre les congrégations religieuses, contre la liberté de l'enseignement, contre la paix des consciences? Quel pénible désenchantement ! Beaucoup de mal a été fait : comment le guérir, ou du moins le combattre ? En luttant contre lui avec un ministère libéral, progressiste, et par-dessus tout homogène, à l'exclusion des socialistes. « Nous n'avons jamais pu accepter comme méthode normale de gouvernement, dit M. Poincaré, la participation des socialistes aux affaires publiques... Nous ne pourrons donner notre appui dans la Chambre prochaine qu'à un gouvernement qui refuse de pactiser avec cette opposition future. » Et nous ne disons pas que cela suffira pour remonter le courant que nous avons descendu : mais c'est la première condition pour essayer de le faire avec quelque chance de succès.

M. Ribot l'avait déjà affirmé en d'autres termes, mais avec la même précision. Parlant des collectivistes : « Ils ont, avait-il dit,la prétention, à cette heure, qu'on ne puisse plus faire sans eux un ministère républicain. Que leur tactique ait été habile ; qu'ils aient, aujourd'hui qu'ils se croient sûrs du succès, le mérite de la franchise, je ne le conteste pas. Mais ce qui me révolte, ce qui révolte tous les honnêtes gens, c'est leur prétention, après un tel aveu, de faire considérer comme de mauvais républicains tous ceux qui, ayant vu clair dans leur entreprise, ont refusé de s'y associer. » Sur ce point, comme sur tous les autres, il y a parfait accord entre les orateurs de Marseille et de Rouen. Le but qu'ils proposent à leurs amis est la défense et la restauration de toutes les libertés qui ont été compromises. Le moyen pour l'atteindre, ou du moins l'un des moyens principaux, est l'élimination des socialistes du gouvernement, car le socialisme est, en toutes choses, le contre-pied de la liberté. Le programme des républicains progressistes ne se réduit pas à ces deux points MM. Ribot et Poincaré ont donné leur opinion sur toutes les questions qui sont aujourd'hui posées et discutées. Mais, quand on a dit qu'ils étaient pour la liberté, on a presque tout dit. Cela suffit pour définir un parti. Autrefois, en effet, tout le monde se vantait d'être libéral; il n'en est plus de même aujourd'hui. L'épithète est même devenue très suspecte: les radicaux et les socialistes se sont efforcés de jeter sur elle du discrédit. - Quoi !disent-ils, vous êtes libéral? Vous voulez donc la liberté pour vos adversaires ? - Eh! oui : où serait le mérite à la vouloir seulement pour soi? - Alors, vous êtes les alliés de la réaction!