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Les anciens Pictes de l’Écosse devaient leur nom à leurs tatouages que remarquèrent les soldats romains. D’autre part, les anciens Germains pratiquaient souvent la même coutume en se zébrant le corps de lignes rouges. Est-ce par un effet d’atavisme inconscient que la manie du tatouage s’est conservée jusqu’à nos jours dans le Royaume-Uni et même au sein des classes riches et élégantes, bien qu’excentriques ? Tardieu cite des cas de maladies survenues après un tatouage trop complet et ajoute qu’il s’agit d’Anglais originaux. Les chroniques scientifiques des journaux contemporains témoignent du fait ; bien entendu ce tatouage est savant et polychrome. Croirait-on que la guerre du Transvaal lui a fourni un regain d’actualité en provoquant l’apparition sur les jambes de jeunes Anglaises d’inscriptions et d’emblèmes patriotiques ! Ces misses devront-elles conserver indéfiniment leurs stigmates et les étaler aux plages de bain de mer sous l’œil moqueur des assistans ? Non point, car le tatouage se détruit très bien. On répand sur la peau jadis injectée une solution concentrée de tannin, qu’on fait pénétrer sous l’épiderme à l’aide de piqûres d’aiguille et on frotte ensuite au crayon de nitrate d’argent. Il se forme une « eschare » -qui se détache au bout de quelques jours ; le derme et l’épiderme sont réparés au-dessous et l’on aperçoit à la place du tatouage une cicatrice superficielle rougeâtre qui disparaît à son tour.

Il semble incroyable qu’un homme tatoué de façon originale puisse, de son vivant, et sans éprouver la moindre douleur, vendre sa peau dans le sens littéral du mot, et la céder moyennant finances à un amateur de curiosités. Dernièrement le Journal citait le cas d’un ex-disciplinaire qui portait sur son corps cent vingt dessins, très élégamment exécutés, tous relatifs à la triste affaire Dreyfus, et ajoutait que le chirurgien du régiment lui avait offert jusqu’à 400 francs de sa dépouille. L’homme, il est vrai, un sieur. F… avait refusé cette offre.

Au risque d’être accusé de verser dans la banalité, nous terminerons ce travail en exprimant un blâme sans réserve à l’adresse des femmes jeunes ou vieilles qui se peignent le visage ou se fardent habituellement. Nous avons parlé déjà, et nous pourrions parler plus longuement encore, des graves inconvéniens que la médecine moderne attribue à l’emploi des fards gras, et du mauvais effet de l’usage des poudres elles-mêmes, quoique plus innocentes. Le monde, qui est sans pitié, remarque