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hommes qui, d’ailleurs, chez les sauvages, — au rebours de ce qui se passe chez les nations civilisées, — se parent bien plus que leurs compagnes.

Il faut, paraît-il, beaucoup de force d’âme pour résister à la souffrance vive et persistante que cause l’opération. Aussi les adolescens la subissent de gré ou de force et souvent on étouffe leurs cris sous le tapage d’un orchestre primitif, à peu près comme le faisaient naguère nos arracheurs de dents sur la place publique. Certains usages se répètent partout. De plus, bien entendu, le malheureux jeune garçon est retenu de force ; on le ligotte, non seulement pour l’empêcher de s’enfuir, mais pour maintenir sa peau parfaitement tendue. Sans que nous puissions expliquer quel mode d’opérer occasionne le moins de douleur, nous sommes en mesure d’indiquer, d’après Cook, qu’aux Nouvelles-Hébrides on procédait par coupures et partout ailleurs par piqûres. C’est-à-dire que, dans l’archipel susnommé, on produisait la blessure avec un fragment de bambou bien coupant ou une coquille aiguisée imprégnée de peinture, s’arrangeant de façon que les lèvres de la plaie fissent cicatrice après guérison, et qu’à Tahiti, par exemple, on piquait le patient avec un instrument analogue à une houe, organisée avec une arête de poisson, une coquille dentelée ou un os aiguisé. On frappait à petits coups sur le manche, pas assez fort pour tirer du sang, échec très essentiel à éviter, et les dents de l’appareil, fort nombreuses, pénétraient toutes ensemble dans la chair. Cook estimait que la victime ainsi martyrisée subissait une centaine de piqûres par minute, et l’opération, ajoutait le grand navigateur, durait plusieurs heures ! On ne doit pas s’étonner ensuite de voir le sujet avoir besoin d’un traitement émollient qui, joint à la diète et au repos, ne réussit pas toujours à lui épargner gangrène, phlegmons, en un mot divers accidens, parfois même suivis de mort. Quant à la matière colorante, c’est presque toujours du noir de fumée que fournissent les lampes à huile de coco noir, qu’on délaie dans l’huile ou plus simplement dans un peu d’eau et dont on enduit le tranchant ou les piquans. On s’est servi également de rouge de carmin, mais fort peu.

Il y a bien des années que le tatouage a disparu complètement chez les indigènes de Tahiti, un peu moins longtemps qu’il n’est plus de mode aux îles Marquises. Dans la Nouvelle-Zélande, du temps de Cook, il offrait cela de particulier qu’il se multipliait