Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarqué encore sur un portrait de femme au pastel daté de 1791.

Sous le Directoire et sous le Premier Empire, on adopte un moyen terme entre les habitudes du XVIIIe siècle et celles qui règnent de nos jours. On ne porte plus de fard, ni au grand jour, ni dans l’intimité, ni même la nuit au lit (ce que faisaient les femmes à la mode sous Louis XV), mais on s’en estompe les joues pour une soirée, une grande cérémonie. Les mariées et leurs mères dissimulent ainsi souvent leurs émotions les jours de noces. (duchesse d’Abrantès). Napoléon oblige presque les dames de sa Cour à forcer leurs couleurs naturelles, afin d’imiter Joséphine laquelle, pour diverses raisons faciles à comprendre, use et abuse du maquillage. Marie-Louise, douée d’une fraîcheur de carnation magnifique, renonça et fit renoncer à ces erremens, qui d’ailleurs ne tardèrent pas à disparaître tout à fait… ou presque…

Un dernier détail pour clore ce chapitre. En relisant une des comédies pour jeunes filles, de Mme de Genlis, on apprend que le rouge en pots s’affaiblissait avec le temps et qu’il fallait le renouveler fréquemment (défaut dont les femmes de chambre et les coiffeurs ne se plaignaient probablement pas). On en composait aussi d’inaltérable, mais fort cher. Les Goncourt rappellent dans leur Journal qu’ils ont eu l’occasion de manier, chez leurs parens, un pot de rouge datant d’un siècle, demeuré encore excellent, mais ayant coûté le prix respectable de quatre louis d’or. Il provenait d’une dame Martin (la femme du célèbre vernisseur), dont la maison de parfumerie existait encore au début du XIXe siècle sous le même nom. En l’année 1808, Joséphine paya au sieur Martin, — qui n’était pas même son seul fournisseur de cosmétiques, — pour plus de deux mille sept cents francs de rouge ! chiffre fantastique, invraisemblable et pourtant garanti par un des historiens les plus distingués de notre temps, M. Frédéric Masson[1].


V

Au temps où la manie du blanc et du rouge s’imposait à toute femme à la mode des classes élevées ou moyennes, les moralistes, en fulminant contre l’abus de cette peinture, ne manquaient

  1. Joséphine impératrice.