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ainsi des paysannes d’alentour. Comme la personne qui le portait, à moins de se condamner à une quasi-réclusion perpétuelle, devait s’exposer au soleil beaucoup plus longtemps et plus souvent qu’une petite-maîtresse de Paris, les masques de campagne, Furetière nous l’affirme, différaient des masques de ville par leurs dimensions plus fortes.

Une chanson du temps, citée par Tallemant des Réaux, conseille aux femmes qui veulent plaire de ne pas négliger les mouches et de les choisir chez la bonne faiseuse ; il recommande surtout la mouche « assassine » au coin de l’œil, et le mot tempe, qu’on prononçait alors temple, amène, grâce à la rime, le conseil de braver les foudres de son curé en en portant même à l’église. Le clergé en effet n’avait pas vu d’un bon œil ce raffinement de coquetterie, et, bien des années plus tard, le catéchisme de Mgr Colbert, frère du ministre et évêque de Montpellier, condamne encore sévèrement les mouches. S’il faut en croire un moraliste postérieur à cette époque, tel curé de Paris eut recours à l’artifice un peu grossier qu’on va lire. « Autrefois, proclama-t-il en chaire, je défendais à mes paroissiennes d’étaler des mouches sur leur visage. Désormais je le tolérerai, ayant été informé que plusieurs dames ou demoiselles sont obligées de les porter pour dissimuler leurs pustules, boutons et rougeurs ; je veux bien avoir pitié de ces malheureuses. » Aussitôt, prétend le narrateur, mouches de s’envoler. Pour longtemps ? Nous en doutons fort.

La mouche se portait donc à l’église et sur le pavé. Sa forme variait non moins que sa position sur la face, tantôt ronde, tantôt allongée. On imagina même de la découper en étoile dont un petit diamant occupait le centre.

Corneille, dans la pièce intitulée la Galerie du Palais, met en scène une lingère qui vante aux autres boutiquiers, ses voisins, une nouvelle toile de soie.


Je n’en saurai fournir autant qu’on m’en demande,
Elle sied mieux aussi que celle de Hollande,
Découvre moins le fard dont un visage est peint
Et donne, ce me semble, un plus grand lustre au teint.


Ces vers nous montrent l’importance déjà acquise par le fard vers 1628, parce que la qualité essentielle, primordiale, d’une étoffe était qu’elle s’accommodât avec un visage maquillé.