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les préparations propres à rafraîchir le teint. Ces préparations, au surplus, obscures et compliquées, ont fait déclarer aux médecins modernes qu’Ovide n’entendait rien à la pharmacie. Quand on feuillette Pline lui-même, on s’étonne des moyens embrouillés, des procédés dégoûtans que les parfumeurs ou médecins de Rome recherchaient pour l’obtention des drogues de toilette ou remèdes les plus simples.

Ces vieux beaux, ces vieilles coquettes, ces jeunes élégans ou élégantes ne jouissaient pas comme actuellement, lorsqu’ils se paraient, des bienfaits de la lumière artificielle ; il est probable qu’au grand jour, leurs couleurs empruntées, leurs cheveux factices, ne trompaient personne. Aussi les poètes satiriques les daubent-ils à cœur joie, surtout à une époque où le lieu commun s’épanouissait dans tous les écrits ; Martial, en variant à peine la forme, ressasse bien des fois les mêmes plaisanteries. La mode était d’abord aux teints pâles, Ovide le déclare formellement :


Palleat omnis amans : hic est color aptus amanti[1].


Aussi craie et céruse recouvraient en couche épaisse ces visages que Martial comparait à une mûre. Chose digne de remarque, aucun auteur ancien n’a fait allusion aux graves dangers que présentait pour les femmes l’emploi quotidien de cette dernière substance ; il est probable que, dans la plupart des cas, de la craie, du talc, matières fort communes et inoffensives, se déguisaient sous le nom fallacieux de céruse, drogue plus rare et plus chère, pour le plus grand bénéfice des parfumeurs et aussi de la santé des dames de Rome.

Les mêmes femmes plâtrées mettaient-elles du rouge ? Les Romains connaissaient parfaitement ce fard sous le nom de purpurissum (était-ce du minium, du carmin, de l’orseille ? nous l’ignorons), mais sous le haut Empire on devait user peu de cet ingrédient, car les poètes érotiques comme Ovide et consorts n’en parlent presque pas pour le recommander, et Martial n’en ridiculise pas l’abus. Il faut pour retrouver une indication curieuse sur ce détail remonter de deux ou trois siècles en arrière et s’attaquer à un passage de Plaute dans la pièce intitulée : Mostellaria ou le Revenant[2] Philémathie, jeune personne plus jolie que farouche,

  1. Que tout amant soit pâle, le teint pâle convient à l’amant.
  2. C’est le modèle du Retour imprévu de Regnard.