Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le fait d’une race blanche de peau, claire de cheveux, aux joues roses, devenant peu à peu, par sélection, brune à teint mat ; la même explication, disons-nous, paraît plus que vraisemblable. Cent ans avant l’ère chrétienne, non seulement Rome se grécisait par son contact avec l’antique Hellade, mais les légions romaines qui, jusqu’alors, n’avaient guère combattu que des Italiens, des Grecs, des Orientaux, des Africains, des Espagnols, se trouvèrent en conflit avec des peuples d’origine gauloise et germaine. Les captifs des deux sexes, arrachés à ces nations du Nord, amenés en Italie, ou transplantés dans les anciennes provinces, éblouirent Romains et surtout Romaines par l’or de leur chevelure, par leur peau transparente et fraîche, avantages fort rares sur les rives de la Méditerranée. Comme, en même temps, les mœurs antiques se transformaient, que les vieilles traditions s’effaçaient, les artifices de toilette de toute espèce, inconnus auparavant, firent leur apparition, parce qu’il était de bon ton dans le monde élégant d’imiter l’extérieur des vaincus du Nord et de l’Occident, en ayant recours aux drogues et aux recettes transmises par les peuples soumis en Orient. La mode s’en propagea avec une rapidité inouïe dans tout le monde romain, pour durer plusieurs siècles et continuer sous le Bas-Empire.

Les documens relatifs à ce sujet foisonnent. On peut débrouiller un peu ce chaos en les classant en trois séries : écrits techniques, en prose ou en vers ; anecdotes dont fourmille l’histoire publique ou privée ; puis, plus tard, extraits fort curieux des œuvres des Pères de l’Église, Grecs ou Latins, qui presque tous ont sévèrement attaqué et condamné tout déguisement de ce genre. La fréquence même et l’énergie de leurs anathèmes prouve qu’ils n’avaient pu, malgré leur autorité, couper le mal dans sa racine. Encore ferons-nous remarquer que l’examen des soins de propreté, des raffinemens de toilette, que l’emploi des parfums ne concernent pas notre sujet, parce que ces pratiques, quoique décrites, mentionnées ou blâmées dans des passages bien voisins de nos citations, ne constituent pas le petit mensonge en action que nous suivons à travers le cours des siècles.

Comme érudits, nous ferons comparaître Pline et Ovide. Le premier ne prend même pas en pitié le sort d’un proscrit des triumvirs, L. Plotius, parce que ce malheureux abusait des parfums et que les effluves caractéristiques des odeurs dont il se saturait permirent à ses meurtriers de découvrir la retraite où