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les révoltés, qui n’ont pas pris le temps de se concerter ensemble, se couvrent du nom du peuple et du sénat et prétendent travailler pour eux, en attendant qu’ils trouvent un empereur. L’empereur choisi, il n’est plus question du sénat et du peuple.

Une seule de ces conspirations, celle où périt Caligula, fut suivie d’une tentative sérieuse pour rétablir la République ; encore semble-t-il que ceux qui en furent les chefs obéissaient d’abord à des motifs personnels, plus qu’a des raisons politiques. Le principal d’entre eux, Cherea, était un tribun des cohortes prétoriennes, auquel le prince avait plusieurs fois commandé des besognes qui lui répugnaient ; comme il les exécutait d’assez mauvaise grâce, Caligula, qui était un fou spirituel, l’en punissait par des railleries mordantes, qu’il ne pouvait pas supporter. Mais quelle qu’ait été la première cause de sa colère, il ne voulait pas que, cette fois, l’empire survécût à l’empereur. Caligula mort, le sénat se réunit au Capitole. Les circonstances étaient terribles. Tout le monde tremblait encore des scènes qui venaient de se passer au théâtre, où les soldats germains s’étaient jetés sur les spectateurs, menaçant au hasard tous ceux qu’ils pouvaient atteindre, pour venger leur prince. La foule hurlait sur le Forum, demandant qu’on lui donnât sans retard un empereur nouveau. Cependant, si l’on en croit Josèphe, les sénateurs osèrent résister, et même le consul, Sentius Saturninus, proposa ouvertement de revenir à la République. Un moment, il sembla que ce projet allait réussir. Quelques tribuns militaires, gagnés sans doute par Cherea, se prononcèrent pour le sénat, avec leurs cohortes. Le peuple même, après quelque résistance, semblait disposé à les suivre et applaudissait les meurtriers de Caligula. Mais une circonstance inattendue vint tout changer en un instant. Un prétorien qui, avec la foule, parcourait les appartemens du Palatin, aperçut un homme caché derrière une Tapisserie, dont les pieds seuls passaient. C’était Claude, l’oncle du dernier prince, qui, convaincu qu’on l’allait tuer aussi, se jeta aux genoux du prétorien, demandant qu’on lui fit grâce ; l’autre, pour toute réponse, le proclama empereur. Aussitôt les soldats se déclarèrent pour lui, et, le lendemain, au petit jour, quand les sénateurs se réunirent de nouveau, il se trouva que tout était fini sans eux. C’était bien aussi leur faute : ils ne s’étaient pas assez pressés d’agir. Pendant la nuit, beaucoup avaient réfléchi, et, le matin venu, les moins courageux étaient