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TACITE

IV[1]
LES OPINIONS POLITIQUES DE TACITE

Est-il vrai de dire que Tacite qui, comme on l’a vu, a subi quelquefois les impressions de ceux qui l’entouraient, leur doive surtout ses opinions politiques ? Est-ce parce qu’ils étaient républicains et ennemis du régime impérial qu’il l’est lui-même devenu ? Pour qu’on pût le croire, il faudrait établir d’abord qu’on était républicain autour de lui, ensuite qu’il l’a été lui-même. Ce sont deux questions que nous allons chercher à résoudre[2]


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La première ne nous retiendra pas longtemps. Sans doute, dans la société aristocratique, parmi les gens distingués de Rome, les mécontens étaient nombreux ; et il faut bien avouer que, sous Caligula ou Néron, on avait quelque raison de l’être. Souvenons-nous d’ailleurs que les guerres civiles ont surpris cette société en plein épanouissement littéraire, toute livrée aux agrémens de la vie mondaine, qui était une nouveauté, en possession de tout voir et de tout dire. La révolution qui détruisit la République ne fut pas assez puissante pour changer les habitudes. Après la paix, on se remit à parler « dans les dîners et dans les cercles. » On y parlait librement de tout, mais en particulier du prince et des siens. Comme, en général, ces gens spirituels et frondeurs ne lui étaient pas bienveillans, il ne pouvait

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1901]].
  2. J’ai déjà touché à ces questions dans des articles qui ont paru ici de 1867 à 1870, et qui ont été réunis en volume (l’Opposition sous les Césars). En y revenant après trente ans, je n’ai rien à y changer d’essentiel ; j’ajouterai seulement des déloppemens nouveaux, surtout à ce qui concerne Tacite.