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tous les pouvoirs associés et hors d’état de comprendre la distinction des autorités. Aussi le chef du district, sorte de préfet, est-il placé à la tête de tous les services locaux. Il a même un droit de surveillance sur les juges de son district et un droit d’appel de leurs décisions. À en prendre les résultats, ce système, qu’on ne saurait regarder que comme provisoire, semble avoir réussi. La sécurité est complète dans le pays. La Bosnie est, assurément, à cet égard, fort, supérieure à l’Algérie et même à la Tunisie. Tandis que, en Algérie, l’introduction d’un jury, uniquement formé de citoyens français, place les indigènes dans une inégalité souvent inique, en Bosnie, le musulman n’est pas exposé à comparaître devant un jury composé de juifs ou de chrétiens ; la justice est la même pour tous, indigènes et immigrés, sans privilège pour personne. Les juges nommés par le pouvoir sont impartiaux ; ils savent se maintenir au-dessus des querelles de races et des rivalités locales. On peut dire que la Bosnie-Herzégovine est ainsi en possession du premier bien pour un peuple simple, une justice prompte et intègre.

De même pour l’administration. On sait que, à toute époque, l’administration a été le fort du gouvernement autrichien. Les provinces occupées ont été divisées en 6 préfectures et en 51 sous-préfectures (sans compter quelques expositur ou localités détachées des sous-préfectures), ce qui place un administrateur éclairé à la portée de tous les habitans. L’administration communale n’est pas encore partout régulièrement constituée. Elle est restée, dans les campagnes, à l’état rudimentaire, aux mains des mouktars musulmans ou des kmets chrétiens, sorte de rustiques baillis, nommés par le pouvoir et assistés de medjliss, adjoints ou conseillers choisis par les populations des différens cultes, selon les coutumes locales. Les villes, au contraire, ont été pourvues de municipalités et de conseils municipaux, élus au moins pour les deux tiers de leurs membres : Le gouvernement cherchait là un moyen d’initier les Bosniaques aux affaires publiques et au self-government local. En un pays aussi profondément divisé par d’épaisses cloisons religieuses, ce n’était point une œuvre aisée. On a adopté un parti aussi ingénieux qu’équitable. Tout en respectant les groupemens confessionnels, trop importans pour qu’on n’en tînt pas compte, l’on a fait des assemblées municipales le rendez-vous des diverses confessions. Le principe est que chaque groupe religieux, orthodoxe ou catholique,