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les conséquences qu’aurait pour elle-même le vote auquel on la poussait. — Le mécontentement, a-t-il dit, va grandissant : vous allez lui donner un aliment de plus. Prenez garde ; vous en avez assez fait, le pays est las de vous. -La Chambre a été ébranlée : on l’a bien vu à son vote. La motion antilibérale de M. Brisson a été votée à 24 voix de majorité seulement : il aurait suffi d’en déplacer 13 pour que le résultat fût contraire. Pendant le pointage qu’a nécessité le scrutin, les radicaux-socialistes ont avoué qu’ils tremblaient. Se, croyant battus, ils mesuraient déjà d’un œil inquiet les conséquences de leur échec. Que deviendrait la proposition Béraud au Sénat ? Tout un long et patient effort parlementaire menaçait d’aboutir à un désastre final. Aussi leur reconnaissance a-t-elle été grande envers M. le président du Conseil. Ils n’ont pas dissimulé que c’est à lui seul qu’ils devaient la victoire. Et rien n’est plus vrai. L’arbre porte ses fruits. Un ministère à base radicale et jacobine développe logiquement les conséquences de sa composition originelle. Ce qui arrive devait arriver un jour ou l’autre : et nous ne sommes pas au bout.

Une motion plus grave encore que toutes les autres est venue en troisième lieu : c’est celle qui se rapporte à la réduction du service militaire à deux ans. Il s’agit ici de l’armée, c’est-à-dire de l’existence même du pays L’armée a été l’objet, dans ces dernières années, d’attaques, tantôt violentes, tantôt sournoises, dont nous n’avons pas dissimulé le danger, mais qui ne portaient, en somme, ni sur son organisation, ni sur son recrutement, ni sur les conditions essentielles de son fonctionnement. Ces attaques ne sont rien à côté de celle dont il s’agit aujourd’hui. Il n’est sans doute pas impossible de réduire la durée du service militaire. Plusieurs propositions ont été faites dans cette vue, et il y en a d’acceptables : nous parlons de celles qui pourvoient au remplacement des hommes manquans par des rengagemnes solidement assurés. Homme pour homme, disait l’autre jour le général de Galliffet, dans une lettre écrite au Journal des Débats : si vous me donnez un homme rengagé après l’accomplissement de sa durée de service, j’en libérerai un autre à sa place. Dans ce système, l’armée conserve la plénitude de son effectif, et sa force est accrue au lieu d’être diminuée. Mais ce n’est pas là ce qu’on a proposé de faire. Il n’y a pas encore longtemps, M. le général André lui-même semblait reculer devant une innovation dont il sentait le péril. Il disait du moins qu’avant tout, il fallait voter un certain nombre de lois indispensables pour préparer la transition du régime ancien au régime nouveau. Ces lois, où sont-elles ? M. Adrien de Montebello l’a demandé