Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il leur demandait alors de prendre une résolution législative, chose grave. À propos de la discussion du budget, la question a changé d’aspect ; on a demandé à la Chambre de voter une motion. Une motion ? Qu’à cela ne tienne ; la Chambre en votera tant qu’on voudra. Quand il s’agit d’une loi, il faut en étudier tous les détails, s’entourer de statistiques, faire des enquêtes, tenir compte d’un grand nombre d’intérêts divers, se mettre d’accord avec le Sénat. Mais, pour une motion, rien de tout cela n’est nécessaire ; c’est une simple tendance qu’on indique, un venu qu’on émet, une œuvre d’amateur qu’on esquisse. Et, au point de vue électoral, quoi de plus commode ? Il y a des électeurs partisans du rachat : le député, redevenu candidat, leur dira qu’il a amorcé la question dans ce sens. Il y en a d’autres qui en sont adversaires : il leur dira qu’il s’est bien gardé de la résoudre, et qu’il a prudemment tout réservé. La motion est l’instrument électoral par excellence, et, certes, la Chambre le prouve.

Une motion l’a encore tirée d’affaire avec la liberté de l’enseignement. Nous avons déjà parlé des tentatives faites pour supprimer tout ce qui reste de la loi Falloux on connaît l’état de la question. Le Sénat a été saisi, par M. Béraud, d’une proposition de loi qui fait table rase de l’œuvre de 1850. Il a nommé une Commission qui y est en grande majorité favorable. L’esprit de secte devrait donc avoir pleine satisfaction : il règne, il triomphe, il l’emporte, — mais à échéance plus ou moins lointaine, puisqu’il s’agit d’une loi. Or, la Chambre est pressée. Elle ne fait pas de mauvaises choses pour le simple plaisir de les faire ; il faut encore qu’elle y ait un intérêt immédiat. Si elle avait vraiment eu la ferme volonté de supprimer la liberté de l’enseignement, elle aurait pu, depuis quatre ans, s’en passer la fantaisie. Mais non : elle a attendu le dernier moment pour voter une motion, ce qui ne tire pas à conséquence. D’autre part, si elle avait tenu à la réforme de l’enseignement pour elle-même, c’est-à-dire pour le pays dont l’avenir intellectuel est en jeu, elle avait une belle occasion d’ouvrir un de ces grands débats qui honorent. une assemblée et qui perpétuent son souvenir. La commission présidée par M. Ribot la lui avait fournie. Mais c’était son moindre souci. Ceux mêmes qui tenaient le plus à la réforme proposée reculaient devant la discussion publique comme s’ils en redoutaient quelque chose. Ils craignaient en effet qu’elle ne déviât aussitôt qu’elle serait entamée, et que les préoccupations politiques de la Chambre ne prissent le pas sur les préoccupations scolaires et pédagogiques qui étaient les leurs. Le débat a donc été renvoyé de mois en mois et de semaine en semaine jusqu’au