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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




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28 février.

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Le voisinage des élections produit sur la Chambre des députés, et par contre-coup sur le Sénat lui-même, les effets les plus singuliers. Il y a quelques semaines, à Saint-Étienne, M. le président du Conseil, désireux sans doute de maintenir sa majorité tranquille et inerte jusqu’au dernier moment, s’est efforcé de lui persuader qu’elle avait fait beaucoup dans le cours de la législature qui s’achève, mais il n’y a pas réussi, et la Chambre, se rendant plus exactement justice, s’aperçoit, un peu tard, qu’elle n’a rien fait du tout. Aussi est-elle prise d’une impatience fébrile de réparer le temps perdu, et d’étonner les électeurs par l’activité un peu désordonnée qu’elle déploie in extremis. Elle accumule les motions les unes sur les autres. Le pays pensera sans doute que la plus petite loi aurait mieux fait son affaire ; car enfin qu’est-ce qu’une motion ? En vérité, ce n’est rien ; c’est une manifestation vaine ; c’est une lettre de change tirée par la Chambre sur un avenir qui ne lui appartient plus. Une réunion publique fait des motions, n’ayant pas de mandat qui lui permette de faire autre chose ; mais les assemblées parlementaires sont instituées pour faire des lois, et c’est de leur part un terrible aveu d’incapacité ou d’impuissance que de se ravaler à voter des motions.

La Chambre a commencé par en voter une sur le rachat de deux réseaux de chemins de fer. Un député, M. Bourrat, s’est attelé à cette question du rachat ; il s’en est fait une espèce de spécialité, et a consacré son incompétence par un des plus volumineux rapports qui aient été écrits sur la matière. Ce qu’il y a d’admirable, c’est que, toutes les fois que l’affaire a été discutée, M. Bourrat a déployé en vain son éloquence ; il n’a pas convaincu ses collègues ; il les a laissés incrédules.