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de Bancroft, en s’adjoignant précisément comme collaborateurs Bancroft lui-même et le docteur G. Low. Ces trois observateurs ont suivi l’évolution des embryons de filaire à travers l’estomac du moustique et leur passage dans les muscles du thorax où ils grandissent et se transforment en larves. Ils ont constaté, alors, un fait inattendu. C’est que ces larves ne demeuraient point enfermées dans la masse musculaire comme dans une prison sans issue. Après y être restées environ dix-sept jours et y avoir grandi, elles quittent leur abri et se mettent en marche. Elles ont alors un demi-millimètre de longueur et sont sensiblement constituées comme l’adulte. Elles se dirigent toutes vers la bouche et pénètrent, enfin, dans la trompe. Cet organe en est, pour ainsi dire, bourré.

Il est clair, maintenant, que, si le moustique, le Culex ciliaris, vient à piquer un homme à la jambe ou au bras, il insinuera dans la plaie avec sa salive quelques-unes de ces jeunes filaires. Celles-ci pénètreront dans les vaisseaux lymphatiques et reproduiront le développement dont nous venons de parcourir les étapes. Le cycle évolutif du parasite est, ainsi, fermé sur lui-même. La filaire va de l’homme au moustique ; elle retourne du moustique à l’homme. À aucun moment elle n’est libre dans le milieu extérieur. Elle n’a pas trois habitats successifs, mais seulement deux. C’est à tort, par conséquent, que l’on a incriminé les eaux de transmettre la maladie. Il ne servira à rien de les filtrer ou de les bouillir.

On remarquera que cette évolution de la filaire, allant de l’homme au moustique et du moustique à l’homme, c’est précisément celle même de l’hématozoaire du paludisme[1]. L’une est calquée sur l’autre. En fait, c’est l’histoire de la filaire qui a éclairé celle du parasite de Laveran. La connaissance préalable de la filariose a guidé les observateurs et les a amenés à la connaissance de l’étiologie du paludisme.


III

La fièvre jaune, typhus des tropiques ou vomito negro, est la plus grave des affections qui sévissent dans les pays tropicaux. Ses ravages s’étendent, à l’état endémique, sur une grande partie des côtes de l’Amérique et de l’Afrique orientale. Elle règne sur les contrées littorales, sur les terres basses, à l’embouchure et le long des rives des

  1. Voyez la Revue du 1er février 1902