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ce que font les ministres ; il met toute son étude à s’élever dans l’esprit du Roi, à s’assurer de son affection, en lui suggérant des idées de gloire et de grandeur pour la Couronne ; je l’ai pleinement instruit de toutes les nécessités ; je l’ai pénétré de toutes les raisons que comporte l’affaire de la Valteline ; il m’a promis de trouver, avec la Reine-Mère, l’occasion de parler au Roi et de lui faire comprendre toute l’importance de ces passages ; car, viendra certainement le jour où la France montrera sa vigueur. »

Cependant, malgré cette influence occulte déjà si puissante, la coalition espère toujours. Elle jette à la traverse une nouvelle ambition, une audacieuse et folle prétention qui, sans passé, sans titre et sans autorité, essaye encore de barrer le chemin. Il n’y a plus que des enfans perdus qui puissent tenter une pareille aventure : celui-ci doit de vivre, dans l’histoire, à l’honneur qu’il a eu d’être, pendant trois mois, le concurrent heureux du cardinal de Richelieu, il eut aussi l’honneur et le malheur, tout ensemble, de lui ouvrir la porte. Il s’appelle La Vieuville.

C’était un personnage d’importance médiocre mais il ne manquait pas d’esprit, et il avait de l’allant. Ayant tâté du métier des armes, il était d’épée. Comme Luynes, il avait fait son chemin par la fauconnerie. Bel homme, il avait épousé la fille d’un certain Beaumarchais, qui était un des traitans les plus prodigieusement riches de ce temps. La fortune de son beau-père lui avait donné du lustre et une manière de compétence dans les affaires d’argent. On attache volontiers, à une richesse démesurée, une sorte de capacité mystérieuse.

Au moment où les Brulart cherchaient un successeur à Schomberg, La Vieuville étant de leurs amis et mêlé à leurs intrigues, on le bombarda surintendant général. Quand il fut là, la confiance lui vint. Dirigé probablement par son beau-père, il entreprit quelques réformes utiles dans les affaires de finances. Il prétendit mettre de l’ordre dans le chaos des comptes royaux ; il se montra très économe, très serré, notamment, sur le chapitre des pensions. Les hommes riches sont souvent peu généreux, parce qu’ils ne savent pas ce que c’est que de manquer d’argent. Il traitait de haut les gentilshommes solliciteurs, et leur disait qu’il s’appelait M. d’Argencourt ; ou bien encore Monsieur Octobre, quand on lui demandait quelque avance pour le terme de janvier. Les courtisans n’admettent les quolibets que quand une