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écrits sous son inspiration. Ils viennent de son entourage ; on dit qu’ils sont de Fancan. Ils traduisent les sentimens de l’opinion. Ils portent ; les ministres sont touchés ; ils ne savent comment se défendre.

Puisieux, selon sa méthode habituelle, pense qu’il suffit de s’emparer des idées des autres. Cette affaire de la Valteline encombre sa route. Tout le monde crie. Il suffit de trouver un expédient qui fasse taire les plaintes… comme si cela arrangeait les affaires ! Il s’avise donc d’une procédure, déjà indiquée, sous main, par les Espagnols eux-mêmes, et qui consistait à remettre en dépôt La Valteline, sous la garde d’une puissance tierce. Même son frère, l’ambassadeur à Rome, le commandeur de Sillery, va plus loin et s’engage, par écrit, à remettre toute l’affaire au jugement du Pape. L’Espagne est enchantée ; voici donc une des parties satisfaites. Quant aux ennemis de l’Espagne, on leur donnera une autre satisfaction. On bâcle, rapidement, une sorte de ligue en faveur de la Valteline avec la Savoie, Venise, et on laisse le protocole ouvert pour le Pape, les Suisses, la Grande Bretagne, les princes d’Allemagne et d’Italie. Les articles très détaillés de la convention constituaient un véritable programme d’action. Mais, il était ruiné d’avance par la décision prise de remettre la Valteline en dépôt entre les mains du Pape. Comme le dit l’un des signataires, l’ambassadeur de Venise, c’était « une manifestation sur le papier (7 février 1623). »

Après cet effort, l’énergie des Sillery retombe au plus bas. Ils ont annoncé de grands effets. On a remué des phrases et on a gagné du temps. Voilà tout. La Cour s’épuise en intrigues obscures ; on danse au carnaval, le Roi chasse. Si, pourtant, un changement s’est produit : « le Roi a substitué à la chasse avec des oiseaux la poursuite avec des petits chiens pour le renard.» L’ambassadeur vénitien se hâte d’informer son gouvernement.

La peste sévit à Paris ; on répand des prédictions sinistres. La vie est triste. La Cour quitte la ville. Le Roi se rapproche de sa mère. À Saint-Germain, à Fontainebleau, on remarque de longues conférences entre la mère et le fils. Où cela tend-il ? tout le monde est aux écoutes. Richelieu s’éloigne ; on dit qu’il va s’établir chez lui, en Anjou. On dit encore qu’il y a mésintelligence entre Sillery le père et Puisieux le fils ; ce qui est certain, c’est qu’ils sont en pleine rupture avec leur créature, La Vieuville. Quand les cabales se querellent, c’est que le péril approche.