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les souvenirs si récens des mois d’exil et de disgrâce, puis à Lyon, qui fut pour lui, à partir de cette date, la ville des grands évèmens. La remise de la barrette eut lieu le 10 décembre. À Rome, on s’était disputé l’honneur d’apporter le bonnet au nouveau cardinal ; ce fut le comte Giulio qui s’acquitta de cette mission.

La cérémonie se fit dans la chapelle de l’archevêché. Selon la coutume, ce fut le Roi qui remit le bonnet. Richelieu remercia dans une harangue qui passa, en son temps, pour une pièce admirable et qui est, surtout, un morceau très travaillé. Sur la minute de ce discours qui a été conservée, on voit que le cardinal avait, tout d’abord, préparé un paragraphe à l’adresse de la Reine-Mère. Il le remplaça, dans la cérémonie publique, par un beau geste. Il se dirige, tout à coup, vers la Reine, il met à ses pieds le bonnet rouge et il lui dit : « Madame, cette pourpre dont je suis redevable à la bienveillance de Votre Majesté me fera toujours souvenir du vœu solennel que j’ai fait de répandre mon sang pour votre service. »

Le soir, le cardinal de Richelieu prit possession de sa nouvelle situation à la Cour en offrant un magnifique festin où la Reine elle-même assista et où les princes et les seigneurs se firent un devoir de figurer.


III. — LA CHUTE DES SILLERY

La paix de Montpellier venait de mettre fin aux complications intérieures. L’attention publique était absorbée presque exclusivement par les affaires extérieures. Tout le monde comprenait que, parmi les grands événemens qui se développaient en Europe, la France devait avoir les mains libres pour intervenir au besoin.

La France est chassée de l’Allemagne, ses droits, ses intérêts, les engagemens sont méprisés dans la Valteline. Ses deux adversaires l’emportent partout ; pour la première fois, le cercle de fer de la domination austro-espagnole s’est fermé autour d’elle ; ses alliés sont ruinés, abattus ou hésitans ; et les deux ministres, Sillery et Puisieux, absorbés et affolés par l’intrigue de Cour, ne songent qu’à sauver, par les plus basses compromissions, les restes d’une autorité qui s’effondre.

De la France entière, une immense huée commence à s’élever contre eux. Ce que tout le monde comprend, c’est que ces ministres