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secrétaire de la Guerre, un troisième appendice où était exposée la façon dont elle-même comprenait ces explications et même une lettre du général Wood, gouverneur militaire de l’île, avec la manière de l’interpréter. Le vote ne fut obtenu qu’à la majorité d’une voix. Quelques jours plus tard avait lieu dans les diverses communes l’élection des maires : le parti nationaliste, qui avait formé la minorité, l’emportait presque partout et notamment à la Havane. Malgré cette éclatante manifestation du sentiment public, le gouvernement de Washington, fort ennuyé du mauvais tour que lui avait joué la Constituante cubaine, déclara qu’il ne serait satisfait que par l’acceptation sans commentaires de l’amendement et ne retirerait pas ses troupes. L’assemblée cubaine se résigna enfin ; le Congrès des Etats-Unis statuera sur l’évacuation au cours de la session qui vient de s’ouvrir.

La raison du plus fort l’emporte donc. Au fond, bon nombre de Cubains, et parmi eux les élémens les plus travailleurs de la population, se résigneraient assez facilement à ce protectorat, qui leur assure un gouvernement stable si, en compensation, ils obtenaient les avantages économiques que leur donnerait l’ouverture à leurs produits du marché américain. Mais, sur ce chapitre aussi, le gouvernement de Washington se montre jusqu’à présent de l’égoïsme le plus étroit. Les autorités militaires qui le représentent dans l’île ont bien remanié dans un sens libéral le tarif douanier excessif que l’Espagne y maintenait en vigueur ; elles ont d’autant moins hésité à le faire que, si Cuba doit profiter de cette faculté de s’approvisionner au meilleur marché, les États-Unis, devenus du coup l’un des principaux fournisseurs de l’île, ne laisseront pas que d’en bénéficier aussi. En revanche, lorsqu’il s’est agi de réduire en retour les droits de douane américains sur les productions de Cuba, notamment sur le sucre, on n’a encore rien voulu entendre à Washington, en sorte que les infortunés planteurs, privés de la position privilégiée qui leur était accordée sur le marché espagnol sans trouver de compensation sur celui des Etats-Unis, se plaignent, non sans raison, qu’on les mène à la ruine complète. On leur a bien donné quelques bonnes paroles, et, dans son message lu le 3 décembre 1901 à l’ouverture du Congrès, le président Roosevelt insiste sur la nécessité d’établir une véritable réciprocité entre Cuba et les États-Unis, mais les Cubains savent ce que vaut l’aune des