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gouvernement de l’île autorisera les États-Unis à établir des stations navales et dépôts de charbon en un certain nombre de points, à déterminer d’accord avec le président des Etats-Unis ; 3° Cuba ne contractera aucune dette extérieure, sans avoir pourvu au paiement de ses arrérages par l’établissement de sources de revenus suffisantes ; 4° Le gouvernement de Cuba reconnaît aux Etats-Unis le droit d’intervenir pour préserver l’indépendance de Cuba, ou pour y assurer l’existence d’un gouvernement capable de protéger la vie, la propriété et la liberté individuelle des habitans ; 5° Le gouvernement de Cuba exécutera et complétera, s’il y a lieu, les projets dès maintenant arrêtés ou devant être arrêtés plus tard d’un commun accord pour assurer la salubrité des villes de l’île et prévenir le retour de maladies épidémiques et infectieuses, de manière à protéger les habitans et le commerce de Cuba aussi bien que des ports méridionaux des Etats-Unis. »

Cet amendement, qui porte le nom d’amendement Platt, du nom de son principal auteur et rapporteur, est un vrai chef-d’œuvre de perfidie. Il n’y est question que de l’indépendance de Cuba, qu’il a précisément pour objet de rendre illusoire. La deuxième et la quatrième clause sont particulièrement graves : que reste-t-il de l’indépendance d’un pays, si une autre nation, cinquante fois plus peuplée et plus riche, a le droit d’intervenir toutes les fois que le gouvernement manque, ou est censé manquer à certaines obligations et, si on lui concède même d’avance, pour rendre cette intervention plus efficace et plus prompte, un certain nombre de stations navales, points de débarquement tout indiqués pour ses troupes ?

Pour justifier l’amendement Platt, ses auteurs et approbateurs se servent des argumens habituels aux impérialistes : les Cubains, disent-ils, seront beaucoup mieux gouvernés et se trouveront plus à l’abri de toute agression extérieure sous la surveillance des Etats-Unis. Il peut y avoir une part de vérité dans la première assertion, mais les Américains du Nord s’étaient interdit, par toute leur conduite antérieure, d’invoquer cet argument. Parmi les considérans de la fameuse résolution Teller, ne se trouvait-il pas celui-ci : « Attendu que les habitans de Cuba sont et ont le droit d’être libres et indépendans ?… » Et, dans les débats qui en précédèrent l’adoption, le sénateur Platt, du Connecticut, l’auteur même de l’amendement n’avait-il pas dit qu’en