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M. Krüger, on pourrait avoir la paix tout de suite : c’était là son principal argument. Et que dit M. Kuyper, que nous persistons à croire d’accord avec les délégués boers ? Il dit qu’avant d’entrer en conversation avec des plénipotentiaires anglais, il était indispensable que M. Krüger obtint un sauf-conduit pour se rendre en Afrique, et qu’il fit un voyage de trois mois. M. Krüger a des pouvoirs sans doute ; mais M. Kuyper est le premier à émettre un doute sur leur valeur actuelle, en avouant qu’ils ne sont peut-être plus en harmonie avec les circonstances. Dès lors, on devait s’attendre à ce que le gouvernement anglais, ne trouvant même plus dans la suggestion de M. Kuyper cet avantage de la rapidité que lord Rosebery avait cru pouvoir comprendre dans la sienne, la déclinât avec un surcroit de résolution, et c’est ce qu’il a fait. Mais, que voulait encore lord Rosebery en demandant que les négociations eussent lieu en Europe et non pas en Afrique ? Tout le monde l’a dit : il voulait enlever la direction de ces négociations à M. Chamberlain et à son acolyte lord Milner, pour la mettre entre les mains de lord Lansdowne et de lord Salisbury. Les deux premiers avaient amplement fait leurs preuves ; on savait ce qu’on pouvait attendre de leur part. Il est douteux qu’ils veuillent la paix, ou du moins un traité de paix. Car il faut s’entendre : la paix, ils la désirent évidemment, mais sans condition. Ils considèrent que, les deux républiques ayant été annexées à l’empire britannique, leurs gouvernemens n’existent plus : dès lors, comment négocier avec eux, et à quoi bon ? Quelle est donc à leurs yeux la situation, et comment peut-elle se dénouer ? On a en face de soi des chefs militaires, des chefs de bandes, comme l’a dit un jour lord Kitchener : il faut les traquer jusqu’à ce qu’ils se rendent purement et simplement. Le malheur, c’est qu’on a beau les traquer, ils trouvent toujours le moyen de s’échapper et de reprendre la campagne sur un autre point. De Wet vient de donner une fois de plus une preuve éclatante de cette manière de procéder, qui peut faire durer la guerre encore longtemps. Eh bien ! elle durera ce qu’il faudra ; mais M. Chamberlain n’admet pas qu’elle se termine autrement. Des négociations ont eu lieu, au printemps dernier, entre lord Kitchener et Botha ; elles auraient pu aboutir, et tout le monde, à notre avis, s’en serait mieux trouvé ; mais elles ne donnaient pas satisfaction à M. Chamberlain et il en a provoqué la rupture. Il y a chez lui, sur la manière dont la guerre doit finir, une conception simple, étroite, violente, qui a déjà coûté à l’Angleterre beaucoup de sang inutilement répandu et d’argent Inutilement dépensé : mais il n’en démordra pas. Dès lors, il était