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par des paroles que lorsqu’il est décidé à la soutenir par des actes. M. Kuyper, obligé d’observer plus de réserve, n’en était resté pas moins fidèle à une cause qui, aux yeux des Hollandais, a quelque chose de national : il attendait seulement l’occasion de la servir. Pour tous ces motifs, que l’Angleterre, malgré les passions de l’heure présente, sait d’ailleurs apprécier, la Hollande était, de tous les pays de l’Europe, le mieux en mesure de prendre vis-à-vis d’elle une initiative diplomatique en provoquant de sa part le moins de susceptibilités. Et puis, la Hollande est un petit pays, dont la démarche ne pouvait, en aucun cas, avoir une apparence comminatoire : à supposer qu’il y eût quelque chose à tenter, elle était donc particulièrement désignée pour le faire. Enfin, les délégués boers sont sur son territoire, et il n’est pas douteux qu’il y a des rapports fréquens entre eux et le gouvernement néerlandais, de quelques formes discrètes que ces rapports soient enveloppés. Voilà pourquoi, lorsque le bruit a couru, il y a quelques semaines, que M. Kuyper était allé à Londres, personne n’a cru que son voyage était un simple voyage d’agrément. Des commentaires inévitables se sont produits. Mais si la démarche de M. Kuyper ne pouvait pas passer inaperçue, on n’a pas su qu’elle en avait été la suite immédiate, le ministre néerlandais ayant gardé pour lui le secret de ses impressions. Il pouvait, en somme, en avoir éprouvé de décourageantes, et le silence qu’il a observé pendant les premiers jours était de nature à le faire croire. On se demandait s’il sortirait quelque chose de sa démarche. On commençait même, avec la mobilité d’esprit qui caractérise notre époque, à songer à autre chose, lorsque M. Balfour a fait à la Chambre des communes la révélation dont nous avons parlé.

A partir de ce moment, on a vécu dans l’impatience de savoir exactement de quoi il s’agissait. Les Anglais dissimulaient la leur mieux que les autres, parce qu’ils ne voulaient pas avoir l’air d’attacher une trop grande importance à l’initiative néerlandaise : au fond, on voyait bien qu’ils y prenaient un vif intérêt, et que, plus que personne peut-être, ils auraient désiré qu’elle eût un résultat pratique. Sans doute, ils ne voulaient rien sacrifier de ce qu’ils considéraient comme leur droit ; mais cette guerre leur pèse, et ils sont de plus en plus pressés d’en voir la fin.

Au bout de quelques jours, la note néerlandaise et la réponse britannique ont été connues. On en a éprouvé d’abord quelque déception, parce que cela ne finissait rien. Puis, en relisant les deux documens avec plus de soin, on a cru reconnaître que la réponse de lord