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LA

FORCE NATIONALE ET LE SPORT




M. Rudyard Kipling, qui se plaît évidemment à étonner ses contemporains, vient de donner un grand coup de pied à l’Angleterre sportive. Le fait étant nouveau et inattendu de la part d’un Anglais, il est intéressant de se demander, comme dans le jeu des petits papiers, « ce qui en est résulté et ce que le monde en a dit. »

Il en est résulté, d’abord, une mauvaise prose rythmée, et le monde lettré a fait la grimace en la lisant. M. Rudyard Kipling, qui est parfois génial, s’était rarement montré aussi vulgaire et aussi plat. Mais nous laisserons de côté la forme littéraire de son œuvre récente pour nous en tenir au bref examen de l’idée qui lui sert de thème, à savoir la faillite du sport en tant qu’élément de force militaire et de grandeur nationale. Voilà quinze ans, la proclamation d’une semblable faillite nous eût navrés, nous autres partisans convaincus de la culture physique, qui faisons de notre mieux pour en développer partout l’instinct ; aujourd’hui, nous l’écoutons proclamer sans inquiétude et sans tracas. Le mouvement ne peut plus être arrêté. La science, l’hygiène, la mode, tout a conspiré pour lui. Le génie des inventeurs et les perfectionnemens de l’industrie se sont associés pour le mieux servir. Il n’est pas jusqu’à l’esprit démocratique et aux contacts internationaux qui ne favorisent son essor. Mais enfin, toutes les forces individuelles acquises de la sorte ont-elles formé de la force collective, et l’antique civium vires, civitatis vis se trouve-t-il vérifié par l’expérience de notre civilisation ? C’est apparemment la question que s’est posée M. Rudyard Kipling et le spectacle de ce qui se passe depuis deux ans dans l’Afrique du Sud l’a amené à y répondre par la néga-