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que Flavigny ne sera pas sur voire route, Je le regrette bien. C’eût été si doux, de vous voir quelques jours dans ma solitude sauvage et laborieuse !

Parlez de moi à votre femme et à vos filles. Dites-leur mon affection.

Je regarde toujours vers vous, mon ami, d’un œil de convoitise. Votre âme m’est chère au-delà de tout, et il faut qu’un jour vous partagiez ma grande foi.

Laissez ce monde mourir dans sa misère et son scepticisme, dans sa bête incrédulité savante.

Je vous embrasse.


Évêché de Dijon, 31 août 1888.

Mon cher ami,

J’ai été heureux de vos nouvelles. Vous me semblez en bonne veine d’admiration, de calme et de sérénité. Évidemment les Anglais sont un grand peuple, dont j’envie la force, la persévérance, l’individualisme et le patriotisme intelligent.

Je serais curieux de savoir au fond l’état de leurs croyances. Si vous avez pu jeter un coup d’œil dans ce fond-là, dites-moi ce que vous y avez vu.

Vous verrez les Allemands bientôt : il faudra me communiquer vos observations, Je ne leur crois pas de génie, — celui de la musique et de la poésie excepté, — mais ils ont la discipline, le travail et l’organisation : grands élémens pour être fort ici-bas, dans ce monde où la lutte est inexorable.

Je travaille toujours sans relâche, ne me permettant que quelques rares heures de répit après l’achèvement d’un chapitre. J’ai terminé le XXe, et demain je m’attaquerai au XXIe. Je suis venu passer quarante-huit heures chez Mgr de Dijon, afin de lui communiquer mes dernières pages. C’est un ami très dévoué pour moi, et je ne puis trop apprécier sa fidélité et sa franchise.

Au mois de novembre, nous nous occuperons de l’éditeur de mon Christ et, si vous le voulez bien, je vous chargerai de régler en mon nom, sans que je paraisse, cette grosse affaire.

Adieu, mon ami, rappelez-moi affectueusement au souvenir de votre femme ; dites à vos chères filles toute ma tendresse, et croyez à ma profonde et cordiale amitié.