Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/874

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— signe suprême d’amitié, — et juré sur Mahomet qu’il ne lui serait fait aucun mal. Trente Bédouins, amis du curé de Medeba, gardaient nos tentes. Vous ne pouvez rien imaginer de plus beau que ces robustes enfans du désert, montés sur leur jument, portant une lance de cinq métrés de long sur l’épaule et nous faisant cortège. Le soir, ils allumaient des feux, s’asseyaient en cercle autour, préparaient leur riz et leur café, et passaient la nuit entière à causer et à chanter leurs chants de guerre et d’amour.

J’ai vu aussi les ruines des grandes villes bibliques : Bel-Meon, où le prophète Balaam a prophétisé les destinées du peuple juif et entrevu l’étoile mystérieuse de Jacob ; j’ai déjeuné sur les tours à demi renversées de l’antique Hesbon ; j’ai campé entre le théâtre et l’odéon de la Philadelphie du Ptoléméen, Ammon-Rabath ; et enfin j’ai passé deux jours à Djérasch, une autre ville ruinée, aussi belle que Palmyre, et florissante sous les Antonins. Il reste une belle porte triomphale, un stade, deux théâtres, deux temples, et plus de cent colonnes qui ont l’air de sentinelles figées là pour garder ces splendides débris. Partout autour, la solitude, la montagne nue. Une colonie de Circassiens est venue s’établir là et construire ses misérables huttes avec les pierres arrachées aux vieux édifices écroulés.

Avec quelle joie j’ai respiré, au milieu de ces ruines, le parfum de la vie antique, et, au milieu des Bédouins, celui de la vie patriarcale !

Ce voyage m’a permis de parcourir l’ancienne Pirée de l’Évangile, où le Christ a souvent séjourné et voyagé. Maintenant. ma tâche est finie dans la Judée, et je quitte Jérusalem demain. J’ai vu, revu, dépeint sur mon cahier de notes toutes les localités évangéliques, et je pars pour la Samarie et la Galilée. Ce voyage me demandera plus de quinze jours. J’ai hâte de quitter la Judée sombre, austère, rocailleuse, presque funèbre, pour la Samarie et surtout pour le lac de Tibériade et la haute Galilée. Je serai à Beyrouth le 26 et je m’embarquerai le 28, s’il plaît à Dieu.

Comme j’avais besoin de revoir et d’étudier ce pays ! On ne connaît bien que ce qu’on peut revoir. Je rentrerai avec une gerbe bien fournie et bien dorée.

J’ai retrouvé ici le Christ, vivant de sa vraie vie humaine. Cette terre, qui me donne le cadre du drame évangélique, m’aide