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navale, et qui devait augmenter d’un cinq-centième à peine l’étendue et la population de l’Union. Tout tendait, au contraire, à faire croire qu’à cette exception près, les Etats-Unis ne chercheraient plus à augmenter leur territoire proprement dit, mais se contenteraient d’exercer une sorte d’hégémonie morale sur le Nouveau Monde, de s’opposer surtout à l’extension des influences européennes dans leur hémisphère, et tout au plus de favoriser les aspirations à l’indépendance des colonies anglaises ou espagnoles, si celles-ci tentaient de se séparer de la mère patrie. En un mot, le seul objet de leur politique extérieure semblait être d’imposer à l’Europe le respect de la fameuse doctrine de Monroë, devant laquelle le Vieux Monde s’inclinait d’ailleurs en fait, s’il ne se résignait pas à la reconnaître officiellement.

Le peu de goût des Américains pour l’extension territoriale parut plus démontré que jamais lorsqu’en 1893, le président Cleveland put, sans provoquer d’émotion sérieuse, refuser d’annexer les îles Hawaï elles-mêmes, qui s’offraient pourtant à lui. Mais, bientôt après, on voit un revirement commencer de se produire, et l’opinion se prononcer peu à peu pour une politique extérieure plus active. Diverses causes y contribuent. La guerre sino-japonaise de 1894-1895 pose le problème chinois dont les Etats-Unis ne sauraient se désintéresser : ils ont avec l’Asie Orientale, qui leur fait vis-à-vis de l’autre côté du Pacifique, qui est bien plus près d’eux que de l’Europe, des relations fréquentes, un commerce croissant, et les questions économiques sont trop intimement liées en ces régions aux questions politiques pour qu’ils puissent rester indifférons à leur avenir. Ils sont vite convaincus de l’utilité qu’il y aurait à développer leur puissance navale dans le Pacifique. D’autre part, le percement de l’isthme américain préoccupe plus que jamais les esprits aux Etats-Unis depuis la déconfiture de la compagnie de Panama ; ce percement, si l’Union l’effectuait à son profit, serait précisément l’un des meilleurs moyens de consolider sa situation dans le Grand Océan. Pour tirer de cette œuvre tous les avantages possibles, il conviendrait d’être maître non seulement du canal, mais de ses avenues, c’est-à-dire de dominer la mer des Antilles. Aussi l’attention des Américains se porte-t-elle de nouveau sur ces régions qu’elle avait un peu délaissées, sur les îles qui s’y trouvent, et qui pourraient, avec leurs excellens ports, devenir