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ont été plus loin et ont attribué à Fancan le rôle d’un inspirateur. L’exagération ou l’erreur sont évidentes. Le parti pris de Fancan en faveur de la cause protestante est si déclaré qu’il est facile de distinguer ses idées personnelles de celles de l’évêque. L’agent représente une doctrine qui ne fut jamais celle de Richelieu, et cette doctrine était, dès lors, formulée en Angleterre, par le fameux No popery : « A bas le papisme ! » On trouve ; dans l’inventaire des papiers de Fancan, la mention d’un dossier qui devait être particulièrement curieux ; le commissaire royal qui rédigea l’inventaire, Nicolas Fouquet, l’analyse en ces termes : « Le grand secret du grand Dessein. C’est un livre in-folio, qui contient environ cent pages, écrites" à la main, contre les Jésuites, lequel surpasse, à mon sens, tout ce qui a été écrit contre eux. » Si l’on voulait savoir le dernier mot sur la personnalité de Fancan, c’est dans ce « Mémoire, » s’il subsiste, qu’il faudrait le chercher. On y trouverait probablement tout l’esprit de la Conjuration.

Les idées de Richelieu étaient, dès lors, beaucoup plus complexes. Il n’a jamais aimé les Jésuites : mais il avait des raisons très sérieuses de ménager ceux que Fancan traitait si mal. Si les « bons François, » si l’opposition protestante elle-même avaient, à cette époque, les yeux tournés vers lui, si, comme il arrive dans toutes les coalitions, l’évêque avait des accointances diverses, il est certain que les « catholiques, » les « dévots, » n’avaient, d’autre part, aucune raison de le traiter en adversaire, ou en suspect. C’est là que s’observe ce sens de la mesure et cette haute sagesse ; qui seront le secret et la force de toute son activité politique. Le sentiment du bien public le guide parmi les excès qui l’environnent et assure à son caractère une position si haute que même ceux qui le craignent ne peuvent pas ne pas l’estimer. Evoque, il était trop soucieux de sa dignité pour se laisser compter au nombre des adversaires publics ou cachés de l’Eglise ; candidat à la pourpre, son intérêt l’eût mis en garde contre toute manifestation qui eût alarmé Rome.

Si la tactique de son opposition contre Luynes le portait à se séparer des catholiques ultra ; si sa clairvoyance le préservait de l’illusion, généralement partagée, qu’on en finirait avec le parti huguenot en une seule campagne ; s’il appréhendait la guerre civile ; si son génie politique lui découvrait la portée et les conséquences de la faute commise à Ulm, de l’abandon du Palatin,