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mordante, et la querelle aboutit toujours à la même conclusion : « Le souhait de la Reine est d’être auprès du Roi ; ces noms de mère et de fils ne peuvent souffrir de division. Le bien des affaires du Roi et du public requiert cela. Au contraire, le bien des affaires de Luynes et de ses parens est que Leurs Majestés soient divisées, et voilà la source de tout le mal… » Or, c’est encore ici la thèse de l’évêque de Luçon : « Donnez l’entrée au Conseil, dit-il sans cesse à Luynes, au nom de la Reine-Mère, et tout est arrangé. »

Mais voilà que le champ de la polémique s’élargit. C’est le moment où, dans le grand débat politique et religieux qui divise la France et l’Europe, Luynes a pris parti, — c’est-à-dire vers février ou mars 1621, — et à l’heure précise où l’évêque de Luçon sait que son nom ne figure pas sur la liste de promotion des cardinaux. Il n’a plus de ménagemens à garder. D’ailleurs, les grands intérêts de la France sont en cause : malgré ses avis, on a décidé la guerre à l’intérieur. C’est donc sur la politique de Luynes et non sur sa personne seulement que la polémique va porter. Cette fois, « la France » elle-même prend la parole. Elle s’adresse à Louis XIII par Le Discours salutaire et advis de la France mourante au Roi.

C’est une adjuration au Roi et à ses conseillers de ne pas déchaîner la guerre civile dans le royaume ; c’est un appel à tous les « bons François… » « Je reviens à vous, mes enfans, quel bien prétendez-vous de mon nom ? Quel profit du sang de vos frères ?… » C’est une invocation aux vieux ministres, ce Sillery, « ce sage oracle de tous les François, » au Parlement « colonne de l’Etat, » aux Grands, à la Noblesse, à l’Eglise « catholiques françois. » Le Roi, à son tour, est pris à témoin. On lui rappelle l’ensemble funeste des guerres antérieures, la résistance de son père, Henri IV, aux conseils « venus de Rome et d’Espagne, » et le mot de Henri III à Messieurs du Parlement : « J’ai grand peur qu’en voulant perdre le prêche, nous ne hasardions fort la messe. »

Le pamphlet prêche la tolérance dans des termes que l’auteur de la Réponse aux ministres de Charenton n’eut pas désavoués : « Les âmes et les consciences ne se peuvent forcer ; elles se moquent du fer, des gibets et des flammes… Laissez Dieu pardessus vous, ô mon Prince, laissez-lui et la force de sa parole, et le régime des consciences. Il n’y a point de religion en la