Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/828

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tandis qu’à l’extérieur, les occasions ne se retrouvent pas et que les fautes ne se réparent pas.

Par le simple fait que son opinion différait de celle du favori, il ralliait à sa cause tous ceux qui, par intérêt, par situation ou par principe, étaient opposés à la politique de Luynes. Celui-ci, ayant pour système de ménager tout le monde, avait mécontenté tout le monde. Maintenant que, pour conserver la faveur royale, il se décidait et prenait un parti, il trouvait contre lui tous ses adversaires déclarés et, en plus, les ennemis nouveaux que sa nouvelle politique lui faisait. Et ce n’étaient pas, tant s’en faut, des adversaires silencieux ! Il y eut donc, soudain, une telle recrudescence de polémique contre le pouvoir que les contemporains eux-mêmes en furent frappés : « Au commencement de cette année 1620, on ne voyait que libelles contre celui qui possédait la faveur du Roi. »

Les libelles, c’était la presse du temps. Le bourgeois de Paris qui descendait sur le Pont-Neuf les voyait, pour ainsi dire, naître autour de lui. Pamphlets de quelques pages, qui se glissaient sous le manteau, ils visaient à l’esprit, sans dédaigner le plus vulgaire et le plus grossier. On disait que beaucoup d’entre eux étaient imprimés en Allemagne : ce qui est certain, c’est que la presse de Hollande commençait à les multiplier dès lors, dans ses formats réduits et sous son candide vélin.

Les protestans avaient été les initiateurs de cette redoutable petite guerre. Les premiers livrets répandus par les colporteurs devinrent, contre l’Eglise romaine, des armes plus dangereuses que les in-folio des théologiens. Les fameuses Lettres des hommes obscurs avaient pénétré partout. En France, la Franco-Gallia d’Hotman, les traités réunis dans les Mémoires du temps de Charles IX, et les Vindiciæ contra tyrannos avaient posé, devant les peuples, les plus hardis problèmes de la religion et de la politique. Les pamphlétaires de la Ligue avaient imité ces exemples, et, en plus, ils avaient parlé au bourgeois dans sa langue. Bientôt, le succès de la Satire Ménippée ayant multiplié les imitateurs, il ne fut plus question que de « Catholicons. » La faveur du maréchal d’Ancre avait amené une recrudescence trop facile et trop fastidieuse. Après une accalmie, la polémique reprenait donc, tout aussi violente, contre Luynes et contre ses deux frères. En somme, cette littérature est peu de chose. Les turlupinades sur les