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Au début, il avait cru prudent de ne pas se refuser à un rapprochement et il avait consenti à unir sa fortune à celle du favori : « Les réconciliations sont entières, écrivait-il quelques jours après le traité ; je crois que, comme la raison les a faites, elle les maintiendra. » Un an plus tard, revenant sur ce passé, il écrivait encore : « Les deux premiers mois, nous avons vécu en espérance d’un accommodement parfait, c’est-à-dire d’une confiance réciproque et assurance que chacun ne voudrait pas faire du mal à son compagnon. »

L’intérêt du favori était d’opposer ses adversaires les uns aux autres et de n’en pousser aucun à bout, d’entretenir, dans la Cour, le calme par l’espérance et, par les espérances rivales, le désaccord. Promettre était, pour lui, tout l’art du gouvernement. Il s’était donc répandu en protestations solennelles sur son désir de faire vivre la mère en bonne harmonie avec le fils et, selon le mot de Richelieu, il en avait eu « de diverses envies ; » il mettait, dans ce jeu, une certaine bonne foi, les faibles étant habiles à se faire des sincérités successives avec leur mobilité même. Luynes avait offert son amitié à l’évêque de Luçon ; il avait serré les nœuds d’une union plus intime et plus durable par un mariage entre les deux familles ; enfin, il avait pris un engagement formel au sujet du chapeau : « Dès le lendemain de l’entrevue de Brissac, le Roi dépêcha un courrier à Rome qui portoit ordre à notre ambassadeur de déclarer au Pape que Sa Majesté nommoit Monsieur de Luçon au Cardinalat et d’en poursuivre le plus tôt qu’il se pourvoit la solution. » Nous avons les lettres du Roi au marquis de Cœuvres, son ambassadeur, au cardinal secrétaire d’Etat et au Pape lui-même. Pour donner une preuve de la sincérité de son désir, le Roi confiait à un ami particulier de Richelieu, l’abbé de la Cochère, le mandat officiel d’aller, à Rome, hâter la promotion qui devait assurer à la France deux chapeaux, l’un pour l’archevêque de Toulouse et l’autre pour l’évêque de Luçon.

Luynes était aux petits soins pour dissiper la méfiance. Sa correspondance ne tarit pas : « Vous devez être assuré par les dernières paroles que je vous ai tenues, et que mes promesses vous devront être comme titres très assurés, Je ne vous les ferai plus longues, puisque les paroles ne sont rien en ce siècle, je me résumerai aux effets. »

L’évêque de Luçon laissait aller les choses sans faire un