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d’accroître les échanges de la France et de l’Algérie avec le Maroc ; mais le sens général de notre action, tant politique que commerciale et religieuse, est facile à résumer d’un mot : elle doit être algérienne. C’est le fait de posséder, et d’être seuls à posséder, aux portes du Maroc, un empire chaque jour plus florissant et où vivent 400 000 Français, qui donne à la France, vis-à-vis du Maroc, une situation sans seconde ; c’est de cet avantage que nous devons tirer parti pour devancer nos rivaux. Peser de tout le poids de la puissance algérienne sur le Maghreb-el-Aksa, appuyer pour ne pas avoir un jour à frapper, c’est toute la formule de notre action au Maroc, c’est le seul moyen d’arriver un jour, pacifiquement, à y exercer une influence telle qu’elle obligera le Maghzen à entrer dans des voies nouvelles et qu’elle équivaudra, en fin de compte, à un protectorat.

La France ne cherche pas à brusquer les événemens ; elle est disposée à respecter tous les droits légitimes. Elle ignore si la transformation du Maroc s’opérera lentement, par l’effet d’une pression extérieure continue, ou si une crise violente viendra obliger l’Europe à intervenir. Mais il est nécessaire de prouver, par l’activité de notre politique, que la France est et restera à tout prix dominante dans celle Afrique du Nord, où il n’y a pas place pour plusieurs grandes puissances, et d’affirmer qu’elle considérerait comme un acte « anti-amical » la mainmise, par une puissance quelconque, sur une portion quelconque du Maroc. Il ne s’agirait pas alors, en effet, d’une limitation gênante de notre expansion dans le Nord de l’Afrique, mais du maintien même de notre domination en Algérie-Tunisie ; c’en serait fait de notre empire barbaresque, qui nous a coûté tant de sang et tant d’or, où notre race se développe si heureusement et qui nous donne tant d’espérances, si nous devions nous trouver en contact, le long de la province d’Oran, avec des rivaux européens, devenus maîtres de la partie la plus fertile et la plus riche du Maghreb.

Les succès de notre politique ont suscité des envies et stimulé des concurrences. Habiles à profiter des intrigues de cour, les agens de l’Angleterre cherchent à entraîner le sultan dans la voie des réformes, et surtout des dépenses. Débiteur de la Grande-Bretagne, il aurait perdu, en fait, son indépendance. Déjà, en ce moment, une mission anglaise, composée de personnages de marque et voyageant avec un appareil inaccoutumé,