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de force et un moyen de parler haut, n’a été, la plupart du temps, qu’une source de stériles discussions et de misérables chicanes. En outre, la Conférence de Madrid, réunie en 1880 pour réglementer le droit de « protection, » eut pour conséquence pratique de mettre fin à la situation privilégiée dont nous jouissions encore au Maroc. Depuis lors, nos efforts n’ont pu parvenir à donner sans conteste, à la France la première place, que sa qualité de puissance africaine et de puissance musulmane aurait dû lui assurer depuis longtemps. Il semble que nous venons d’abandonner les fâcheux erremens d’autrefois ; souhaitons que ce soit pour n’y plus revenir !

Malgré cette incohérence de notre politique africaine, la force des choses a travaillé pour nous ; de fréquens rapports de voisinage se sont établis entre l’Algérie et le Maroc. En 1884, M. Ordega, notre ministre à Tanger, a accordé la protection personnelle au chérif d’Ouazzan, l’une des plus hautes personnalités religieuses du Maghreb, et la France l’a continuée à ses héritiers ; cette sorte d’alliance de la puissance qui domine en Algérie et des chefs de l’une des principales confréries du Maroc, est un premier pas dans une voie qui pourra nous mener aux meilleurs résultats, pour le maintien de notre autorité sur nos sujets musulmans et pour l’accroissement de notre influence chez nos voisins. Tous les ans, un grand nombre de travailleurs du Rif ou des Djebala viennent louer leurs bras à nos colons, au moment des récoltes : ils constatent et ils redisent à leur retour que les salaires, chez nous, sont élevés ; que l’argent gagné est ii l’abri de l’avidité des caïds ; que nos indigènes payent un impôt fixe ; que la religion musulmane est respectée et librement pratiquée. Parmi les caïds, les hauts personnages du Maghzen, dans l’entourage même du sultan, les bienfaits que nous avons répandus en Tunisie ne sont ni ignorés ni méconnus ; l’on sait comment nous y gouvernons sans supplanter les fonctionnaires indigènes, que nous savons récompenser ou punir avec impartialité. Le sort du bey de Tunis, jouissant de tous les honneurs du pouvoir, bien rente, garanti contre toutes les révolutions, peut fort bien sembler digne d’envie à un souverain obligé de courir sans repos d’un bout à l’autre de ses États et qui tremble sans cesse pour son trône et pour sa vie. Les juifs méprisés, les commerçans déplorant le manque de sécurité des transactions, les paysans des plaines eux-mêmes, réduits à ne plus semer par