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pays barbaresques en fut ébranlé durant quelques années, jusqu’à ce que la monarchie des Bourbons, au moment de disparaître de l’histoire eut, en s’emparant d’Alger, indiqué à la France, avec cette étrange clairvoyance qu’ont parfois ceux qui vont mourir, les voies d’un magnifique avenir.

La prise d’Alger, et, plus tard, la bataille de l’Isly, le bombardement de Tanger et de Mogador, ont mis fin à la légende de la puissance barbaresque. Le canon de Bourmont, de Bugeaud et du prince de Joinville a délivré les nations européennes des honteux tributs que, sous diverses formes, elles payaient au sultan des pirates. Le Portugal, l’Espagne, la Hollande, la Suède, le Danemark donnaient régulièrement des cadeaux, en argent ou en armes, pour que leurs bateaux de commerce ne fussent pas pillés dans le détroit ; une courte guerre entre l’Autriche et le Maroc, en 1828, s’était terminée de façon peu brillante pour l’empire chrétien ; le sultan, en 1835, s’étant plaint que la garnison de Ceuta fît l’exercice du canon, les Espagnols aussitôt cessèrent de tirer. La prise d’Alger apparut donc, en son temps, comme un acte très audacieux, qui marqua la fin des longues humiliations de la chrétienté et la ruine définitive de la piraterie. En 1854, la campagne du Newton acheva de détruire les derniers brigantins des pirates du Rif ; il n’y a plus eu, depuis lors, que des actes isolés de pillage d’épaves ou d’attaque de petits bâti mens égarés tout près des côtes marocaines.

Prudemment avertis, en 1844, de la puissance de nos armes, les sultans du Maghreb n’ont pas cessé de vivre en paix avec la France. Mais, nous avons tenté de le montrer ici[1], une politique imprévoyante appliquée aux frontières franco-marocaines, en prolongeant les moindres conflits et en renouvelant sans cesse les causes de mésintelligence, troubla les bonnes relations des deux pays. Le gouvernement de l’Algérie, d’une part, les rapports entre la France et le Maroc, de l’autre, ont, jusqu’à ces derniers temps, constitué, pour ainsi dire, deux compartimens séparés de notre politique, si bien que, trop souvent, il n’y a eu ni entente en Ire les ministères intéressés, ni coordination des mouvemens, entre notre action diplomatique à Tanger et notre action militaire et administrative en Algérie. Notre présence en Oranie, au lieu d’être, pour nos représentans au Maroc, une cause unique

  1. Voyez la Revue du 15 janvier,