conditions naturelles de la politique, ils n’y peuvent garder une situation prédominante qu’en excitant Tune contre l’autre la France et l’Espagne. De trop vastes ambitions et un orgueil démesuré n’empocheront pas, il faut l’espérer, les Espagnols d’écouter les avis si clairvoyans et si patriotiques de M. Silvela ; l’Espagne et la France ont seules des intérêts territoriaux au Maroc : c’est par leur entente amicale que, sans heurts et sans secousses, la « question d’Occident » sera un jour résolue.
Entre la France algérienne et le Maroc, il n’existe ni une frontière naturelle ni un de ces contrastes de climat ou de relief qui, parfois, incline vers des voies divergentes les destinées de deux peuples voisins. Les chaînes de montagnes, parallèles à la côte, ouvrent des passages naturels d’un pays à l’autre. Le Maroc, plus proche de l’Atlantique, dominé par des massifs plus élevés, est plus arrosé ; ses plaines sont plus fertiles, ses steppes plus faciles à irriguer ; mais il n’y a pas, d’une contrée à l’autre, de différence-de nature. L’Algérie-Tunisie est un prolongement du Maroc. Les pays barbaresques, géographiquement, sont un tout indivisible et ils l’ont souvent été politiquement ; les conquérans qui en ont soumis l’une des parties, sont presque toujours devenus, tôt ou tard, les maîtres de toutes les autres, tout au moins des côtes et des plaines. Les Romains, quand ils abattirent Carthage, n’avaient pas l’ambition de dominer toute l’Afrique du Nord ; la force des choses les y entraîna peu à peu. Venus, comme eux, par l’est, les Arabes absorbèrent, tout le Maghreb et le convertirent à l’islamisme ; plusieurs fois, des dynasties musulmanes le réunirent tout entier sous leur autorité.
Quand Charles X fit occuper Alger, personne, en France, ne soupçonnait jusqu’où nous entraînerait cette conquête : hier, jusqu’à Carthage et jusqu’au Touât, un jour, peut-être, jusqu’à l’Océan. La frontière actuelle entre Maroc et Algérie est toute conventionnelle ; elle ne suit même pas la limite historique de la Moulouïa ; dans le Sud, il n’existe aucune frontière. De pareilles limites ne sauraient être que provisoires. Le seul fait de l’existence d’un Maroc indépendant, d’un Maroc où l’autorité du sultan n’est obéie que par endroits et par intermittences et où s’agitent librement les confréries religieuses, est un danger pour notre