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culture et de colonisation. Ce serait, insinue-t-on quelquefois chez nos voisins, au cas d’un partage du Maroc, le lot de l’Allemagne, la part du lion ! car l’Espagne n’aurait que l’extrême-nord avec Tanger et le détroit ; et quant à la France, elle se devrait contenter de la vallée de la Moulouïa et des oasis sahariennes ! Ces tendances conquérantes, qui se l’ont jour dans les revues et dans la presse coloniale, l’activité de la diplomatie allemande à Tanger, révèlent le courant d’opinion qui grandit dans l’empire et nous montrent que, si la France et l’Espagne n’y prennent pas garde, elles ne manqueront pas de concurrens pour les devancer à Fez et à Marrakech. Mais ce serait, malgré tout, faire fausse route, que d’attribuer trop d’importance à ces indices ; dans tous les pays, les « coloniaux » ont l’appétit insatiable ! Mais, autant le gouvernement impérial paraît soucieux d’ouvrir à ses nationaux des débouchés nouveaux pour leur industrie, autant il semble peu enclin à entrer dans la voie des conquêtes lointaines. Les difficultés d’une pareille entreprise au Maroc sautent aux yeux, mais l’on voit moins bien ce que les commerçans et les industriels allemands y gagneraient ; il n’est pas nécessaire, pour que leurs exportations augmentent, que les soldats de l’Empereur occupent une partie du pays, il suffit que le marché du Maghreb soit ouvert à la libre concurrence. Il est à croire, en outre, que le gouvernement ne se laisserait pas entraîner, pour un avantage assez mince, à léser très gravement les intérêts essentiels de la France et à créer, dans l’Afrique du Nord, une nouvelle frontière d’Alsace. Dans les circonstances actuelles, il n’apparaît pas que l’Europe soit sous la menace de quelque Kiaotcheou marocain.

Si à l’Angleterre, à l’Allemagne et à la France, l’on joint l’industrieuse Belgique qui, pour les sucres, fait une concurrence dangereuse aux produits français, et même, pour les draps, aux produits allemands et anglais, l’on ne trouve plus, sur les tableaux statistiques, que l’Espagne et le Portugal qui ne vendent presque rien au Maroc[1], mais qui lui achètent une notable quantité de produits alimentaires : les Etats-Unis qui demandent au Maroc des peaux de chèvres ; l’Egypte qui s’y fournit de babouches et de haïks ; l’Italie qui en tire des peaux et de la cire ; quant aux autres pays, les chiffres de leurs échanges sont insignifians.

  1. Bien entendu, nous ne faisons pas état, ici, du commerce de contrebande qui se pratique sur une large échelle.