Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/799

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

individus qui sont en relations avec elles ou dont elles se servent pour la défense de leurs intérêts. Malgré l’entremise des juifs et des « protégés, » l’apathie des indigènes des campagnes, la mauvaise volonté du gouvernement, l’impossibilité pratique de voyager et de posséder, réduisent à des chiffres très faibles le commerce d’un pays que la nature a créé l’un des plus riches et des plus fertiles de toute l’Afrique.

Bien arrosé par les pluies de l’Océan qu’attirent les hautes montagnes, irrigué, dans ses parties les plus sèches, par les eaux des ouadi qui dévalent des sommets de l’Atlas, le Maroc est, par son climat et sa situation, plus favorisé que l’Algérie et la Tunisie. À l’est, le bassin de la Moulouïa n’est guère qu’un prolongement de l’Oranie ; au pied des montagnes, les oasis du Tafilelt et de l’oued Draâ participent des conditions géographiques du Sahara et ressemblent à nos plus belles oasis du Sud-algérien ; mais à l’ouest, le long de l’Océan, s’étend, depuis Tanger jusqu’à l’Atlas, une longue bande, large de 50 à 100 kilomètres, composée de terres noires, qui pourrait devenir, si des colons européens y mettaient la charrue et si un gouvernement régulier y assurait la paix et une juste répartition des impôts, une riche terre à céréales. Entre cette zone côtière et les montagnes, c’est la steppe herbeuse, capable ; de nourrir des troupeaux de bœufs et de chevaux et susceptible d’être, çà et là, transformée par l’irrigation. Sur les flancs des montagnes, dans les hautes vallées abondamment pourvues de pluie, l’olivier, la vigne, les arbres fruitiers méditerranéens croissent presque sans culture. Plus au sud, enfin, entre les deux branches terminales de l’Atlas, la vallée des Sous étale ses vergers et ses champs. Si l’on ajoute que l’étude géologique du Maghreb et les indices recueillis par les voyageurs permettent de croire que le sous-sol renferme des mines de charbon et de différens métaux, l’on s’étonnera plus encore que tant de ressources naturelles restent inexploitées, et l’on se souviendra sans surprise que, selon Diodore, les Phéniciens avaient fondé sur la côte africaine, au-delà des colonnes d’Hercule, trois cents comptoirs dont ils tiraient toute sorte de richesses, et qu’au temps des Romains, des villes florissantes, comme Volubilis, prospéraient dans les plaines de l’Ouest.

La nature, dans ces contrées privilégiées, n’a pas changé ; elle n’est devenue plus avare ni de ses eaux fécondantes, ni de son soleil vivifiant ; mais la rage des hommes s’est appesantie sur